Quand l’école devient un luxe… Mellassine, miroir d’un État social en panne!!!

Tunis, UNIVERSNEWS (NAT) – À Mellassine, quartier populaire à la périphérie de Tunis, l’école primaire n’est pas seulement un lieu d’apprentissage : c’est souvent l’unique refuge pour des enfants qui affrontent la pauvreté au quotidien. Mais que vaut ce refuge lorsque les cahiers, les stylos et même les cartables deviennent des biens inaccessibles ?

 A l’école primaire Annajeh, beaucoup d’élèves commencent l’année les mains vides, faute de moyens.  Le cadre éducatif est déjà fragilisé par un manque de ressources. Les enseignants se démènent dans des classes surchargées, la formation continue n’est souvent pas adaptée aux besoins réels des enseignants, ce qui limite son efficacité et les élèves ne bénéficient pas d’un soutien psychopédagogique. A tel point qu’on ne s’interroge guère sur les raisons de l’échec d’un enfant qui reste trois ans de suite en première année primaire.

 Est-ce un problème d’encadrement, de suivi, de conditions sociales ? Rien n’est analysé. On se contente de constater, sans agir.

Que peuvent faire les structures de solidarité ?

Face à ces manques, la solidarité associative et institutionnelle n’arrive pas à combler les brèches tant elle est sollicitée et tant le champ d’actions des associations a été réduit.

 L’Union Tunisienne de Solidarité Sociale (UTSS) qui apporte des aides aux familles démunies n’arrive pas à répondre à la demande des directeurs de certaines écoles qui appellent à l’aide. L’Agence Tunisienne de Solidarité (ATS) s’est mise en place des services spécifiques. Aménager des cantines au sein de certaines écoles est devenu un moyen de lutter contre la déscolarisation. Les élèves peuvent ainsi déjeuner et les familles subissent un peu moins le poids des dépenses quotidiennes. Des efforts louables, mais qui ne suffisent pas. Car un repas chaud à midi ne remplace ni un carton, ni un enseignement digne de ce nom.

Où est l’État social et dispose-t-il de moyens ?

Un véritable État social ne se mesure pas seulement à sa capacité d’ouvrir des cantines ou de distribuer quelques fournitures à la rentrée. Il se juge à sa détermination à garantir l’égalité des chances, à accompagner les plus fragiles, à investir dans le savoir comme vecteur de dignité. Le budget du ministère de l’Éducation nationale tunisien pour 2025 s’élève à 8 044 millions de dinars, soit une augmentation de 126 millions de dinars par rapport à l’année 2024. Une enveloppe qui comprend des fonds destinés à la modernisation des infrastructures scolaires mais destinés en grande partie à couvrir les salaires des enseignants et qui ne peut permettre une généralisation des cantines dans les quartiers défavorisés du pays, une amélioration des infrastructures ou la mise en place d’un environnement d’apprentissage collaboratif et la formation continue des enseignants au partage de pratiques efficaces.

De meilleurs indicateurs économiques mais…

Les pouvoirs publics brandissent aujourd’hui des chiffres économiques présentés comme positifs. Mais à Mellassine, la croissance ne se voit pas. La réalité socioéconomique reste désastreuse : familles étranglées par l’inflation, un chômage persistant et des services publics à bout de souffle.

Mellassine : un symbole. Ce qui se joue à l’école primaire Annajeh, dépasse ses murs. Mellassine devient le miroir d’un pays qui oublie que l’avenir se construit sur les bancs de l’école. Si l’on accepte qu’un enfant passe trois ans dans la même classe sans qu’aucune alarme ne soit tirée, si l’on admet qu’une rentrée scolaire signifie pour beaucoup une course aux dons et aux aides sociales, alors il ne faut pas s’étonner que les fractures sociales se creusent. La vraie lutte, celle qui mérite d’être nationale et prioritaire, c’est celle pour l’éducation. C’est à travers elle que la corruption peut reculer, que l’économie peut se redresser et que la société peut respirer.

Tant que l’école restera un luxe à Mellassine, parler d’État social ne sera qu’un slogan. (A.B.A.)

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