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A sa sortie du Palais de Carthage un certain 15 juillet 2020, Fakhfakh aurait été contraint de signer la lettre de démission qui lui aurait été soumise par la cheffe de cabinet, Nadia Akacha.
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Le cheikh menacé de sortir par la petite porte, voire carrément par la fenêtre
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Saïed continue à prendre à témoins Dieu, l’histoire, le peuple et … « zaqqafouna » !…
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Mechichi, humilié et décrédibilisé, se trouve à la traîne derrière Ennahdha et al-Karama
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Impératif de se ressaisir, sinon le« toit » va nous retombe sur la tête à nous tous !
Depuis les élections de 2019, la Tunisie vit une situation intenable qui s’est corsée avec le tout récent conflit constitutionnel entre les trois présidences suite au refus par Kaïs Saïed de recevoir les nouveaux ministres pour la prestation de serment sous prétexte que des soupçons de conflits d’intérêts et de corruptions pèsent sur certains d’entre eux.
Or, étant donné que lesdits ministres ont obtenu le vote de confiance de la part des élus à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), on assiste désormais à un bras de fer inédit entre La Kasbah et Le Bardo, d’un côté, et Carthage, de l’autre. Un clivage dont personne n’en sortira vainqueur.
Avant de passer à l’analyse des scénarios à venir et aux diverses alternatives pour sortir de l’impasse et dépasser cet imbroglio, jamais arrivé dans notre pays, il serait utile de voir comment on en est arrivé à ce point que certains n’hésitent pas à qualifier de « non-retour ».
Après la chute du premier gouvernement de Jemli proposé par Ennahdha, du reste prévisible, le président de la République a repris la main pour désigner la personnalité, théoriquement, la plus apte à former le gouvernement.
Mais au lieu de choisir entre les candidats les plus cités, à savoir, Fadhel Abdelkefi, Ridha Ben Mosbah et Hakim Ben Hammouda, Kaïs Saïed a surpris tout le monde en choisissant un personnage proposé par Youssef Chahed et son parti « artificiel », Tahya Tounès, en l’occurrence Elyès Fakhfakh, pourtant accusé d’avoir servi royalement Ennahdha en accordant des compensations colossales aux Nahdhaouis bénéficiaires de l’amnistie.
Et bien que se mettant dans la peau d’un « Premier ministre » tirant sa légitimité du président de la République, Fakhfakh nous a concocté un cabinet panaché entre des Nahdhaouis purs et des ultras d’Attayar et d’Echaâb qu’il décrit comme faisant partie de ligne fidèle à la « révolution ».
Mais Ennahdha, qui a continué à manœuvrer à souhait et qui a toujours voulu avoir une véritable mainmise sur la gestion des affaires du pays, entreprenait un travail de sape qui a fini par avoir la peau de Fakhfakh qui s’était pris la grosse tête en se croyant, avec prétention et arrogance, qu’il est le meilleur et le plus habilité à diriger le pays.
Résultat de la course, évitant l’humiliation d’un retrait de confiance par l’ARP, Fakhfakh a été contraint par le chef de l’Etat de présenter sa démission. Et pour l’histoire, lors d’une réunion groupant les trois présidents, un certain 15 juillet 2020 et apprenant que le mécanisme du retrait de confiance a été, irréversiblement, enclenché, Kais Saïed l’a indiqué que de toutes les façons, Fakhfakh a déjà démissionné en présence de l’intéressé.
Et à sa sortie du Palais de Carthage, l’ex-chef du gouvernement a été étonné de ne trouver ni voiture, ni gardes du corps qu’il a pu récupérer après avoir signé la lettre de démission qui lui aurait été soumise par la cheffe de cabinet, Nadia Akacha.
Ainsi, le chef de l’Etat a pu garder la main pour charger un nouveau candidat à la formation d’un gouvernement.
Et encore une fois, après les correspondances, Kaïs Saïed passe outre les propositions des partis et sort de sa poche le nom de Hichem Mechichi, un candidat indépendant issu de l’administration tunisienne, ancien énarque et ex-ministre de l’Intérieur, qui surprend tout le monde en affirmant que son gouvernement sera formé de technocrates loin des partis politiques.
Après des tiraillements et de gros efforts d’obstination, les partis ont fini par se résigner à admettre cette vision. Mais c’est à ce moment que Kaïs Saïed, par Nadia Akacha interposée, est entré en jeu pour imposer un certain nombre de ministres, sachant que bon nombre de compétences ont été sollicitées avant de les ignorer. Et le cas du ministre de la Culture, Walid Zidi, a été la goutte qui a fait déborder le vase faisant régner une discorde entre Carthage et La Kasbah qui ira crescendo.
Le clivage avec Kaïs Saïed a poussé Mechichi à se jeter dans les « bras » d’Ennahdha qui en a profité à l’extrême. Et plus le temps passait, plus le fossé se creusait par la faute à Saïed qui ne ratait pas une occasion pour humilier Mechichi et son équipe et ce, en intervenant dans la direction du gouvernement ou en utilisant les ministres mis sur son compte.
Et plus le chef de l’Etat intervenait dans les affaires de La Kasbah, plus Mechichi tombait dans l’escarcelle du parti islamiste et ses alliés, plus spécialement, cette bande d’anciens des LPR dissoutes.
D’ailleurs, dans les milieux proches du Palais de Carthage, Kaïs Saïed a toujours fait des choix de candidats ayant très peu de chances de passer l’examen à l’ARP dans le secret espoir de dissoudre l’ARP et organiser de nouvelles élections générales devant lui permettre, logiquement, de réussir un raz-de-marée et dominer tout le pouvoir exécutif et législatif.
Du coup, laissant de côté les affaires intéressant le peuple, les deux président se déployaient à se marquer des points, alors que le cheikh pense avoir les coudées franches pour gérer le Parlement telle une ferme privée où il croit avoir le pouvoir de diriger la Tunisie comme bon lui semble alors qu’il est là où il est par la faute de Qalb Tounès et certains élus du bloc de la Réforme .
On se rappellera de cette motion qui n’était pas passée alors qu’il fallait de très peu pour passer, pour la simple raison que certaines parties restent persuadées qu’Ennahdha détient encore une mainmise sur la justice par le biais de magistrats capables de « manipuler les dossiers ».
Les choses étant, maintenant, ce qu’elles sont, quels scénarios peut-on envisager pour le pays ? Le premier constat est que la Tunisie est, désormais, ingouvernable. On cite, d’abord, le président de la République qui n’a ni l’étoffe, ni les moyens de gouverner réellement, sinon se contenter de faires les tournées, les visites inopinées et les déclarations passionnées et menaçantes de lancer les missiles contre ceux qui complotent dans les chambres noires et de prendre à témoins Dieu, l’histoire, le peuple et … « zaqqafouna » !…
Le chef du gouvernement, ensuite, est tellement humilié et décrédibilisé de par sa position à la traîne derrière Ennahdha et al-Karama, qui il lui est impossible d’entreprendre la moindre action de réforme, surtout après s’être mis l’UGTT sur le dos.
Quant à Ghannouchi, ses jours sont « comptés » sur la scène politiques dans le sens où il lui est presqu’impossible de rester à la tête de l’ARP qu’il a très mal gérée sans oublier qu’il est devenu l’homme à « abattre » au sein même de son parti islamiste sans oublier que de prochaines législatives lui seraient fatales et signeraient sa fin, ce qui donnerait lieu à l’ouverture des enquêtes judiciaires pouvant déboucher sur l’inculpation de certains « barons » d’Ennahdha et amenant le cheikh à sortir par la petite porte, voire carrément par la fenêtre. En arrivera t-on jusqu’à ce scénario cauchemardesque ?
Il faut avouer que la porte est, justement, ouverte à toutes les possibilités apocalyptiques. A moins que …Mais là on préfère ne pas y penser d’où l’impératif de se ressaisir afin d’empêcher que le« toit » nous retombe sur la tête à nous tous !
Noureddine HLAOUI