La pêche artisanale est un secteur clé pour l’économie tunisienne. Employant plus de 70% de la main-d’œuvre du secteur de la pêche, soit 42 000 pêcheurs artisans, la pêche artisanale a contribué au fil des années à plus de 50 % de la valeur de la production nationale.
Ce secteur connaît, en revanche, plusieurs difficultés liées au contexte environnemental, écologique, social et législatif. Le projet Fish Med Net vise à améliorer cette situation. Charaf Mrabet, assistante du projet nous explique comment les Partenariats publics-privés (PPP) peuvent sauver la pêche artisanale en Tunisie. Interview
Présentez-nous le projet Fish Med Net ?
Je représente aujourd’hui l’Association Tunisienne pour le Développement de la Pêche Artisanale (ATDEPA ) en tant qu’Assistante du projet euro-méditerranéen Fishery Mediterranean (Fish Med Net).
Ce projet est cofinancé par le programme de la coopération transfrontalière en Méditerranée IEV CT Med 2014-2020.
Son implémentation est réalisée par 7 partenaires provenant de 5 pays de la Méditerranée, à savoir la Tunisie, la France, l’Italie, le Liban, et la Palestine, ainsi que l’ATDEPA.
Quels sont les objectifs du projet ?
Le but du projet Fish Med Net est de redynamiser le secteur de la pêche artisanale et l’aquaculture à petite échelle pour le rendre plus attractif aux jeunes, en développant l’intégration et la diversification de ce secteur et en lui donnant de nouvelles dimensions, par l’encouragement et la création d’alliance méditerranéenne entre les micros, petites et moyennes entreprises (MPME) et aussi par l’appui des institutions publiques et le soutien des PPP.
Donnez-nous un aperçu sur les bénéfices du projet ?
Les participants à ce projet vont bénéficier d’un accompagnement professionnel et de formations qui s’insèrent sous l’objectif 14 des Objectifs du Développement Durable (ODD) établis par les Nations Unies sous le thème « Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ».
La pêche artisanale et les jeunes ?
A long terme, Fish Med Net vise à encourager les jeunes dans l’investissement dans la pêche artisanale durable, à travers le soutien des opportunités d’entrepreneuriat, tout en apportant des solutions écologiques, économiques et innovantes.
La règle des concessions, dont le coût financier est plus important, va pousser les jeunes à délaisser ce métier déjà pas très plébiscité par la nouvelle génération.
Les PPP et le secteur de la pêche artisanale en Tunisie ?
A titre de rappel, les PPP constituent des relations de partenariat gagnant/gagnant entre une institution publique et une entreprise privée pour la fourniture de biens ou de services au public.
Je tiens à rappeler qu’au cours d’une table ronde réunissant les différents intervenants dans le secteur de la pêche et l’aquaculture et en présence des représentants de l’Instance Générale de Partenariat Public-Privé (IGPPP), des difficultés ont été soulevés en relation avec l’application des PPP dans le secteur de la pêche.
Ces difficultés s’articulent autour du manque de la formation des chefs de ports, de la mauvaise circulation de l’information, du faible niveau d’instruction de la population cible, de la mal-compréhension de l’Organisation autonome décentralisée (DAO), de la résistance aux changements notamment au niveau des nouvelles redevances que ce soit dans les grès à gré ou dans les appels d’offres, et de la transformation des Autorisations d’occupation temporaire (AOT) en contrats de concession dans le cadre des partenariats avec l’APIP.
Que faut-il faire pour relever les défis ?
De prime abord et pour mieux comprendre la situation des PPP dans le secteur de la pêche et sous Fish Med Net, nous avons mené des enquêtes de la perception de cette notion par les autorités compétentes. Ces enquêtes seront complétées par des tables rondes avec ces autorités (autorité de gestion, administrations publiques, jeunes porteurs de MPME, pêcheurs…) aboutira à l’élaboration d’un package PPP adapté à la Tunisie et aussi à l’élaboration d’outils pour faciliter la mise en œuvre des PPP en Tunisie, tels que des standards et des formations.
Dans une première étape, nous avons constaté que les PPP sont officiellement définis en Tunisie avec 73% des enquêtés qui voient que l’état encourage une telle implémentation, cependant il existe plusieurs ambiguïtés et confusions soulevées par rapport au cadre législatif et réglementaire et son application dans le secteur de la pêche.
La situation actuelle des PPP pose des obstacles, à savoir la bureaucratie, la longueur des procédures administratives, la peur de l’échec à cause des mauvaises pratiques, le manque de la sensibilisation, les pénalités, le manque d’intérêt, le manque des capacités techniques et de ressources humaines, la centralisation, la particularité du secteur de la pêche et l’aquaculture lié aux conditions environnementales, changements climatiques, et l’exploitation des stocks qui impactent les entreprises.
Pour lever ces obstacles, on aura impérativement besoin de la décentralisation, du soutien financier, des projets modèles, de la sensibilisation, de la simplification des procédures et du cadre juridique, de l’union des objectifs de développement à long terme, de la réforme réglementaire au profit des MPME et du secteur de la pêche.
On peut dire finalement que les projets en PPP pourraient être un levier pour développer le secteur de la pêche artisanale en Tunisie.