* Avec des projections chiffrées et des échéances d’exécution bien déterminées, ce programme de relance se veut convaincant pour le FMI
* Le programme de relance suggère d’agir, à court terme, sur la subvention des carburants, à savoir, une levée progressive de la compensation pour atteindre la vérité des prix à l’horizon 2026
* Le document propose également la vente des actifs non nécessaires des entreprises publiques, la réévaluation du rendement des membres des conseils d’administration de ces entreprises, la révision du cadre réglementaire et légal du recrutement…
* le programme de relance prône la digitalisation à tous les niveaux, l’intensification de la lutte contre la corruption, la promotion de l’inclusion sociale, économique et financière
TUNIS – UNIVERSNEWS Dans un document de 50 pages classé, soi-disant confidentiel, et dont une copie est parvenue à Univers News, le gouvernement de Najla Bouden présente à l’intention du Fonds monétaire international (FMI), les principales réformes qu’il entend entreprendre pour surmonter la crise multiforme dans laquelle se débat la Tunisie. Objectif : convaincre le Fonds du bien-fondé de ces réformes pour obtenir en contrepartie des facilités de paiement.
Ces réformes, un ensemble d’une centaine de mesures, sont articulées autour de quatre principaux dossiers : la fonction publique et le poids de la masse salariale dans le PIB, le déficit des entreprises publiques, la levée de la compensation et l’amélioration du climat des affaires. A ces réformes sectorielles, il faut ajouter des réformes transversales que le document appelle des « leviers ».
Talons d’Achille de l’économie tunisienne
Dans son préambule, le document évoque le contexte dans le quel seront élaborées ces réformes. Il met l’accent sur la quadruple instabilité dont pâtit le pays : instabilité politique (Etat faible incapable de gouverner…), instabilité sociale (augmentation du chômage et des mouvements sociaux…), instabilité économique (stagnation de la production…) et instabilité fiscale (exacerbation de l’inapplicabilité de la loi…).
Sur le plan forme, ce document placé sous le triple signe « engagement, cohérence et crédibilité », se distingue par sa précision. Avec des projections chiffrées et des échéances d’exécution bien déterminées, ce programme de relance se veut convaincant pour le FMI.
Il a le mérite d’évoquer tous les talons d’Achille dont souffre l’économie tunisienne, s’agissant, notamment, de la non transparence, la prédominance des monopoles, la contestabilité des marchés (absence de concurrence…), l’absence d’un système de justice économique et commerciale (système des autorisations…), l’insoutenabilité de la dette, la pauvreté (30%en termes de misère humaine et 4%en termes monétaires) ….
Poids de la masse salariale
Le dossier qui pose plus de problème serait celui du poids de la masse salariale dans le PIB. Dans son diagnostic, le document rappelle que la masse salariale a triplé en 10 ans et qu’elle accapare près de la moitié des ressources de l’Etat. Il fait une mention spéciale pour les augmentations salariales spécifiques (forces de l’ordre, enseignants, juges …) et de la suspension de deux programmes avec le FMI à cause de cette masse salariale jugée des plus élevées dans le monde.
Pour y remédier, le gouvernement tunisien propose à court terme, pour la période 2022-2024, le gel des salaires (ce qui est en contradiction avec un incessant accord sur les majorations salariales avec l’UGTT), un ensemble de programmes : retraite anticipée, départs volontaires, redéploiement des effectifs, mobilité vers le secteur privé, octroi de congés pour monter des affaires personnelles.
Levée des subventions
Le deuxième dossier concerne les subventions. Au niveau du diagnostic, le document relève que le budget de l’Etat a absorbé les fortes fluctuations des prix internationaux (pétrole, céréales, huiles végétales…), retard dans la mise en œuvre de la réforme de ciblage et des transferts monétaires, relèvement annuel des subventions destinées aux entreprises publiques.
Comme solutions le programme de relance suggère d’agir, à court terme, sur la subvention des carburants, à savoir, une levée progressive de la compensation pour atteindre la vérité des prix à l’horizon 2026. L’accent sera mis également sur la réduction des bons d’essence pour les emplois fonctionnels dans l’administration (83 mille véhicules de fonction en Tunisie contre 3 mille environ au Japon)
Pour les produits de base, il n’y aura pas d’ajustement à court terme mais des ciblages à moyen terme dont les transferts monétaires destinés aux bénéficiaires réels de la compensation (12% de la population).
Amélioration du climat des affaires, agir sur la concurrence et l’accès aux marchés
Vient ensuite le dossier de l’amélioration de l’environnement des affaires. Le document évoque, notamment, au niveau de l’état des lieux : l’existence de situations monopolistiques, le non-accès à tous les marchés, l’absence de concurrence, la multiplication des autorisations…
Comme solutions, il propose une suppression de ce qu’il appelle « la nouvelle vague d’autorisations », la convergence institutionnelle des structures en charge de l’investissement, la réalisation d’investigations et d’enquêtes de pratiques anticoncurrentielles, renforcement de fonctionnement et des moyens des activités de la concurrence. Le document insiste sur l’enjeu de booster en Tunisie les énergies vertes et les industries pharmaceutique, aéronautique, automobile et des TIC.
Problématique des entreprises publiques
Le dossier des entreprises publiques est longuement évoqué dans ce document. Concernant l’état des lieux, le document fait ressortir la mauvaise performance de ce type d’entreprises et la détérioration de leur situation financière par l’effet des pertes, déficits, surendettement, tarification non appropriée, arriérés t garanties de l’Etat, subventions budgétaires annuelles …
Au chapitre des scénarios de sauvetage, le document recommande d’engager des audits externes pour auditer les arriérés, réformer la stratégie actionnaire de l’Etat dans les entreprises publiques, initier la restructuration des filiales des entreprises publiques non stratégiques en vue soit de leur privatisation, soit de l’ouverture de leur capital à un partenaire extérieur. Le document propose également la vente des actifs non nécessaires des entreprises publiques, la réévaluation du rendement des membres des conseils d’administration de ces entreprises, la révision du cadre réglementaire et légal du recrutement…
Réformes transversales
Au niveau des réformes transversales, le programme de relance prône la digitalisation à tous les niveaux (identifiant numérique du citoyen, généralisation de la mise en ligne des services publics, démocratisation de la preuve numérique…), l’intensification de la lutte contre la corruption, la promotion de l’inclusion sociale, économique et financière.
Un intérêt particulier a été porté à la réforme fiscale. Il s’agit d’améliorer la capacité de l’Etat à collecter ses ressources par l’amélioration du recouvrement et par la promotion de la digitalisation de l’administration fiscale. Objectif : favoriser une fiscalité plus juste et plus transparente stimulant l’investissement privé et l’économie durable et inclusive et garantissant une meilleure visibilité aux opérateurs économiques à moyen et long termes.
Et pour ne rien oublier, le document s’est très peu attardé sur l’insoutenabilité de la dette (Plus de 120%du PIB), sur l’amélioration du financement de l’économie par les banques et sur la flexibilité de change…
Nous pensons que cette omission n’est pas si grave en ce sens que mêmes les réformes proposées et précitées, ce ne sont, pour le moment, que des professions de foi.
Brahim