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Le financement de la BCT ne doit pas dépasser 5% des recettes budgétaires, mais, nous allons malheureusement dépasser ce taux
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A partir du 16 février, les réserves en devises baisseront de 14 jours d’importation et ce, indépendamment du financement qui sera accordé au Trésor public
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Cette injection de la BCT est de nature à faire baisser la valeur du dinar avec les exportations qui deviennent moins compétitives
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On est en train, de gérer les crises avec les moyens les plus faciles et les moins efficaces et le résultat en est qu’on est en train de reporter les difficultés économiques
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Le recours répétitif à la BCT risque de devenir un instrument facile et de nous emmener dans des situations financières beaucoup plus difficiles et compliquées
TUNIS – UNIVERSNEWS (Interview) – Dans son interview accordée à Universnews, l’économiste et analyste financier, Moez Hadidane a estimé que le financement du Trésor par la Banque centrale de Tunisie (BCT) s’impose aujourd’hui vu qu’on a écarté la possibilité d’avoir un programme avec le Fonds Monétaire International (FMI) et qu’on a priorisé, depuis la Révolution, la paix sociale aux grandes réformes structurelles. Cette politique a fait en sorte qu’on n’a plus aujourd’hui les moyens pour continuer dans les dépenses généreuses de l’Etat, selon ses dires.
La BCT perd 14 jours indépendamment des 7 Milliards de dinars
Il a en outre indiqué que le recours à la BCT pour financer l’économie est la seule solution qui reste si nous ne pouvons pas réduire nos dépenses, faisant toutefois remarquer que l’expérience a montré que le financement de la BCT ne doit pas dépasser 5% des recettes budgétaires : « En Tunisie, nous allons malheureusement dépasser ce taux », a précisé Hadidane, affichant son espoir de voir consacrer une partie de ce financement aux dépenses d’investissement : « j’espère, mis à part le remboursement, cette année d’un eurobond de 850 millions d’euros qui arrive à échéance le 16 février, allouer une partie à l’investissement mais ça ne pourrait pas être le cas ! L’autre partie servira certainement pour les dépenses de fonctionnement parce qu’il n’y a pas, par exemple, d’autres sources pour payer les salaires, les dépenses de compensation et de la subvention aux entreprises publiques et au remboursement de la dette publique intérieure.
Il a par ailleurs, estimé qu’à partir du 16 février prochain, les réserves en devise de la Tunisie baisseront de 14 jours d’importation suite au remboursement de cet eurobond de 850 millions d’euros et ce, indépendamment du financement qui sera accordé au Trésor public.
S’agissant des 7 Milliards de dinars qui devront être versés par la BCT au trésor public, ils auront certes un effet sur l’inflation mais on ne peut pas mesurer son ampleur dans la mesure où d’autres facteurs pourront contribuer à la baisse de l’inflation. Hadidane a appelé toutefois à multiplier les efforts en matière de contrôle des prix et combattre les autres facteurs de l’inflation pour neutraliser l’impact de cette création monétaire.
Poursuivant sur le même ordre d’idées, Hadidane a déclaré que cette injection de la Banque centrale est de nature à faire baisser la valeur du dinar et du coup, les exportations deviennent moins compétitives puisqu’elles vont coûter beaucoup plus cher à l’exportateur. Les importations deviennent aussi beaucoup plus chères suite à la baisse du dinar car les coûts d’importation augmentent lorsque la monnaie nationale est dévaluée.
La Tunisie risque une situation plus difficile et compliquée
Moez Hadidane a toutefois estimé que le grand problème n’est pas l’inflation en soit parce qu’on peut gérer mais plutôt le fait de reporter les situations difficiles aux années d’après : « On est en train, de gérer les crises avec les moyens les plus faciles et les moins efficaces et le résultat en est qu’on est en train de reporter encore les difficultés économiques », a-t-il averti.
Et d’ajouter qu’en 2025, la Tunisie aura éventuellement besoin d’un montant équivalent à 7 Milliards de dinars, faisant toutefois remarquer que si cette opération se répète deux ou trois fois, on va se retrouver devant des grandes difficultés financières énormes. Le recours répétitif à la BCT risque de devenir un instrument facile et une habitude, avec le danger de nous conduire vers des situations financières beaucoup plus difficiles et compliquées, selon ce qu’il a dit.
Pour éviter que la situation vire vers le pire, Hadidane a appelé à prioriser les réformes notamment celles de la subvention et des entreprises publiques.
Il est bon de rappeler que, le 6 février, l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) a adopté un amendement qui permet le financement direct du budget par la Banque centrale de financer le Trésor public à hauteur de 7 milliards de dinars (2 milliards d’euros), remboursables sans intérêts en dix ans après une période de grâce de trois ans. Ces fonds serviront à combler partiellement le déficit budgétaire de 2024 (28,7 milliards de dinars) dont 16 milliards d’emprunts extérieurs sur lesquels dix milliards n’ont pas été trouvés.