- Les investigations sur les diplômes falsifiés doivent être faits par des sécuritaires et des magistrats parce qu’il y a des cadres qui occupent aujourd’hui des postes de pouvoir qui vont bloquer l’ouverture de ce dossier
- L’octroi d’un statut de base à chaque ministère et établissement public «est illégal ! Si ces dossiers sont transmis à la justice, la majorité des statuts sera automatiquement annulée
- A la BCT «les postes sont clairement répartis entre les membres de familles, au point que chaque étage est dominé par une famille bien précise qui exerce son pouvoir»
- La Troïka a gangréné l’administration et «a commis un crime contre l’Etat et mis la main sur l’administration, épine dorsale de l’économie nationale»
- L’UGTT et les syndicats régionaux eux-mêmes étaient devenus une force de recrutement dans les administrations publiques
- Un fonctionnaire traite entre 400 et 500 dossiers par an en travaillant à distance alors, qu’en présentiel, le nombre de dossiers traités est entre 100 et 150 par an
TUNIS – UNIVERSNEWS – Dans une interview exclusive accordée à Univernews, Brahim Missaoui, président de l’Association tunisienne de la lutte contre la corruption ATLUC a mis en garde contre l’opération de l’héritage des emplois et de passage des postes de père en fils dans la fonction publique et les administrations tunisiennes. Selon ses déclarations, ce phénomène est très répandu à la Steg et la SONEDE où le taux d’héritage de postes a atteint 71%. De même pour la Banque centrale de Tunisie (BCT) où les postes sont clairement répartis entre les membres de familles, au point que chaque étage est dominé par une famille bien précise qui exerce son pouvoir, selon ses dires.
Un héritage de fait accompli !!!
Outre ce phénomène d’héritage, il a pointé de doigt une confusion considérable dans le processus de gestion et d’organisation des administrations tunisiennes, faisant remarquer qu’avant l’année 2010, le recrutement dans la fonction publique se fait sur la base des compétences requises et une appartenance à l’ancien RCD contrairement aux années après 2011 où l’UGTT et les partis politiques ayant gouverné lors de la Troïka sont devenus une force dans le pouvoir exécutif, gangrénant l’administration avec des recrutements anarchiques et non étudiés : « Ces derniers ont commis un crime contre l’Etat et ils ont mis la main sur l’administration, épine dorsale de l’économie nationale », a affirmé Missaoui. Et de préciser qu’à cette époque, l’UGTT avait perdu le pouvoir sur les syndicats régionaux qui eux-mêmes sont devenus une force de recrutement dans les administrations publiques. Ces derniers ont également fait des administrations publiques un gateau à partager, voire un héritage à partager entre eux, selon ce qu’il a dit.
Structures de contrôle sans contrôle
Outre ce problème d’héritage de poste, Brahim Missaoui a évoqué un autre lié aux structures de contrôle relevant des ministères et des administrations publiques, lesquelles ont dévié de leur rôle et de leurs principes : « Aujourd’hui, elles ne fournissent que de simples observations et rapports », a-t-il précisé.
Il a par ailleurs indiqué que la loi n° 112 portant statut général des personnels de l’Etat, des collectivités publiques locales et des établissements publics à caractère administratif a été vidée de son contenu, avant de protester contre l’octroi d’un statut de base à chaque ministère et établissement public : « c’est illégal ! Ces statuts sont contre la loi de la Fonction publique. Si ces dossiers seront transmis à la justice, la majorité des statuts accordés aux ministères et établissements publics sera automatiquement annulée », a-t-il assuré.
A cet égard, il a appelé à la révision des horaires et des méthodologies de travail au sein de l’administration publique, avant d’indiquer que durant la période du confinement suite à la propagation de la pandémie du Covid-19, une étude au sein de la CNAM a révélé que le seul fonctionnaire traite entre 400 et 500 dossiers par an en travaillant à distance alors qu’en présentiel, le nombre de dossiers traités est entre 100 et 150 par an.
Non à la rémunération des heures supplémentaires
Le président de l’Association de lutte contre la corruption n’a pas caché sa colère non plus quant à la rémunération des heures supplémentaires des agents et cadres de la fonction publique : «C’est aussi illégal. Les heures supplémentaires ne peuvent être versées. Ils ont droit juste à des journées de repos», a-t-il encore dit.
Il a dans le même contexte indiqué que la corruption dans l’administration est l’un des plus grands problèmes du pays et la cause principale de la détérioration des services publics et de l’économie nationale, suite à la montée en flèche de la masse salariale pour atteindre 35% du PIB, ce qui a mené le FMI à exiger la réforme de la fonction publique moyennant l’octroie d’un crédit.
350 mille recrutements en 8 ans
Parlant chiffres, Missaoui a assuré qu’au bout de 8 ans, le nombre de salariés dans la fonction publique a augmenté de 350 mille, qualifiant ce chiffre de colossal et dangereux :
Au sujet des diplômes universitaires falsifiés dont le nombre s’élève à environ 120 mille, Brahim Missaoui a appelé à donner le dossier et le travail des investigations à des sécuritaires et des magistrats pour pouvoir ouvrir le dossier, avant d’expliquer qu’ils y a des cadres qui occupent aujourd’hui des postes de pouvoir et qui vont certes bloquer l’ouverture de ce dossier parce que eux-mêmes ont intégré la fonction publique avec des diplômes falsifiés » », a-t-il estimé.
B.B.R.