Tawfik BOURGOU
- Le retour de Monsieur Cameron, un des fossoyeurs de la Libye, est une réactivation du rôle de ces fameux sorciers occultes des printemps fortement déstabilisateurs
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Gaza nous montre que les fameux printemps n’auront été qu’une concession de la Tunisie, de la Libye et de la Syrie aux frères musulmans
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Gaza a mis à nu le rôle du Qatar, dénoncé même par les israéliens et par une commission du Congrès américain, mis à l’index par les médias européens
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Le Qatar aide de facto a gommer Oslo et la solution des deux Etats claironnée par tous et à laquelle plus personne ne croit
TUNIS – UNIVERSNEWS – Comme un signe qui ne trompe pas, la nomination du nouveau ministre britannique des Affaires étrangères sonne comme un rappel quant au lien direct entre les fameux printemps et la guerre à Gaza ; entre ce que fut cet épisode, la guerre actuelle et les futures manœuvres.
Comme d’habitude après chaque guerre au Moyen-Orient, car d’habitude, c’est la périphérie de la guerre qui paye la plus lourde des factures. Le retour de Monsieur Cameron, un des fossoyeurs de la Libye, est une réactivation du rôle de ces fameux sorciers occultes des printemps fortement déstabilisateurs du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Plus profondément, Gaza nous rappelle étrangement, des dates passées sous silence et des mécanismes occultés par les médias main-stream et par les chercheurs des think tanks plus porteurs de l’idéologie de l’interventionnisme déstabilisateur que de la démocratisation.
Gaza nous montre que les fameux printemps n’auront été qu’une concession de la Tunisie, de la Libye et de la Syrie aux frères musulmans dont la résistance aux supposées dictatures s’est faite dans les couloirs du Foreign Office, dans les méandres du MI 6, dans les salons de Doha et certainement dans quelques officines washingtoniennes et turques.
L’année, 2011 survient huit ans après l’invasion et la destruction de l’Irak dans une guerre qui n’est en réalité qu’une suite de crimes de guerres, on ne le dira jamais assez. L’échec de la transformation guerrière de la carte du Moyen-Orient a suscité dans l’administration Obama la tentation d’une «soft transformation» basée essentiellement sur la reconnaissance de l’islam politique comme supplétif et vassal de la transformation politique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Aux plus naïfs, l’AKP a été vendu comme un modèle en occultant le rôle néfaste du Qatar, financier sur demande américaine des combattants en Libye et des associations caritatives en Tunisie, sous couvert desquelles ont été enrégimentés des djihadistes, futurs criminels de guerre en Syrie et ailleurs.
Nous avions mis en évidence ce mécanisme dès 2011, Gaza est venue apporter une preuve supplémentaire à notre analyse de l’époque.
Le «paradigme des printemps» est un triangle particulier. C’est d’abord un objectif : transformer la carte politique, voire la carte géopolitique d’une région en écartant des rivaux et même des alliés du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord en substituant aux anciens Etats, des structures transfrontalières liées par l’islam politique, autour des frères musulmans : Libye et Tunisie, Syrie, Irak, territoires palestiniens. C’est ensuite une puissance tutélaire supposée prendre le relais d’anciens alliés de Washington : la Turquie qui va éliminer les puissances européennes du jeu.
En troisième lieu un financeur du plan : le Qatar. Ce dernier achète sa protection par son intégration dans un jeu transformationnelle contre des Etats arabes : Tunisie, Libye, Syrie.
D’ailleurs ces pays seraient bien avisés d’intenter une action devant la Cour Internationale de Justice à l’encontre de l’Emirat gazier. Il s’agit, en l’espèce, d’une atteinte à la souveraineté des Etats et une action inamicale.
C’est la description des mécanismes régionaux autour du Hamas qui nous permettent aujourd’hui de repositionner chaque acteur dans le cadre du «grand jeu» autour du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord.
Dans ce cadre la Tunisie apparaît toujours comme un laboratoire à faible coût, sauf, bien sûr, pour sa population qui paye au prix fort la destruction de l’Etat tunisien construit par les pères fondateurs de la Tunisie moderne et démoli par des frères musulmans tout juste rentrés de Londres aidés par le lobbyiste américain Masmoudi et cornaqués par Feltman. Mais l’objectif principal a été et est toujours le Moyen-Orient. La guerre à Gaza et bien sur le maintien de la présence américaine en Syrie et en Irak montrent que le plan principal reste le Levant.
Gaza a mis à nu le rôle du Qatar, dénoncé même par les israéliens et par une commission du Congrès américain, mis à l’index par les médias européens. Or, des indiscrétions quant au futur statut de Gaza font ressortir une administration directe de la bande par le Qatar au moins partiellement.
Bien que financier du Hamas, l’émirat gazier a été adoubé par Washington comme l’acteur des pourparlers avec le Hamas et l’acteur du statut définitif d’une bande de Gaza, après le démantèlement du Hamas. Le Qatar aide de facto a gommer Oslo et la solution des deux Etats claironnée par tous et à laquelle plus personne ne croit.
A travers ces jeux, on mesure l’intérêt pour la démocratie dans des printemps gérés par le Qatar, la Turquie et les Etats-Unis.
Gaza éclaire les printemps qui ont été et sont désormais la pire défaite morale des Etats-Unis dans le monde arabe et spécifiquement en Afrique du Nord, spécialement en Tunisie.
C’est l’illustration d’une diplomatie cynique où l’on fait croire qu’on peut construire une démocratie avec le Qatar comme parrain, quand on connait l’appétence pour les droits fondamentaux. Une démocratisation à travers les frères musulmans dont le rôle et les amitiés mouvantes ont été éclairés par Gaza avant le 7 octobre. C’est un sommet du cynisme qui a été atteint.
T.B.
Politologue