Tout en célébrant ce samedi 8 décembre, la journée nationale de lutte contre la corruption, la Tunisie attend encore son retrait de la liste noire européenne des paradis fiscaux.
Elle y avait été incluse, au début de l’année, dans le prolongement de son classement, en décembre 2017, par le Groupe d’Action Financière, le GAFI, dont elle est membre, comme étant un pays à haut risque en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Ces décisions intervenaient malgré le lancement, à l’époque, à cor et à cri, d’une campagne de lutte contre la corruption illustrée par quelques arrestations, et sont restées en vigueur en dépit de l’adoption, il y a trois semaines, de sanctions financières contre 23 personnes condamnées pour activités terroristes.
Dans tout le bassin méditerranéen, la Tunisie est un associée et un partenaire privilégié de l’Union européenne de sorte que, toutes choses étant égales par ailleurs, la mesure européenne ne peut pas être prise pour une punition ou une sanction à caractère politique, au-delà des ses retombées négatives sur les flux de l’investissement étranger et l’octroi de prêts et d’assistance financière européens pour la Tunisie.
Or, à regarder de très près la liste des personnes condamnées pour activités terroristes et ayant fait l’objet des sanctions financières, on constate que ces personnes, qu’elles soient incarcérées ou en fugue, sont des exécutants sans grands moyens réels et que le financement est, sans aucun doute, assuré par d’autres parties et d’autres personnes, des gros bonnets et des hommes d’affaires de la taille de ceux signalés par les autorités américaines lors de la guerre contre DAECH, en Irak, pour la plupart des ressortissants des royaumes et principautés arabes du Golfe. Certains opéraient à travers de grandes associations.
Des commentateurs mentionnent, en particulier, à cet égard, la hâte avec laquelle le mouvement islamiste Ennahdha avait condamné le communiqué européen et la décision du GAFI, ainsi que la réaction vive que cette prise de position d’Ennahdha avait suscitée chez l’ambassadeur de l’Union européenne à Tunis qui avait nommé Ennahdah de « parti tunisien des Frères musulmans ». Le diplomate européen avait fait état de « réticences et de résistances » en Tunisie, dans ce domaine, signalant que les gens bloquent les choses au point que des courriers diplomatiques « s’étaient perdus ». La perte de courriers de ce genre a été invoquée par les responsables tunisiens dans d’autres circonstances liées au terrorisme et qui avaient défrayé la chronique, en leur temps, lors du gouvernement de la Troika, notamment.
Ces mêmes commentateurs espèrent que la deuxième liste que la Commission nationale de lutte contre le terrorisme envisage de publier à la fin de ce mois de décembre sera plus consistante et plus substantielle.
Selon les experts et les spécialistes, en effet, outre les dons suspects à travers les associations et les ONG ou encore les transferts d’argent à partir de l’étranger, le marché financier et la bourse sont très utilisés en matière de financement de terrorisme et de blanchiment d’argent de sorte que la bourse de Tunis, entre autres, figure, d’après eux, parmi les places exposées.
Salah Ben Hamadi