TUNIS – UNIVERSNEWS (SEF) – La Tunisie, à l’instar d’autres pays, fait face à des défis complexes, notamment l’instabilité économique, sociale et politique, qui a un impact significatif sur, entre autres secteurs, celui de la santé. Parmi les conséquences majeures de ces défis, figure la migration des professionnels de santé qualifiés à la recherche de meilleurs horizons à l’étranger. Ceci occasionne une « perte » de ces professionnels constituant un enjeu majeur, tant sur le plan économique que sur celui de la qualité des services de santé offerts aux citoyens avec le risque de répercussions significatives sur tout le système national de santé pouvant aller jusqu’à mettre en jeu sa viabilité. C’est ce qui ressort d’une étude publiée par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES) et ayant pour thème « La migration des professionnels de santé : défis pour le système de santé tunisien ? ».
Des salaires peu attractifs et des conditions de travail difficiles
Dans cette étude, l’ITES s’est attelé à construire une vision à l’horizon 2030 à partir de sept variables motrices motivant la migration des professionnels de santé tunisiens et un plan d’actions exprimé sous forme de près de 50 mesures opérationnelles permettant la mise en œuvre des orientations stratégiques, dans l’objectif d’une atténuation de ce flux migratoire à l’horizon 2030.
Le plan d’actions proposé s’inscrit dans une démarche plurisectorielle qui consiste à combiner plusieurs actions pour assurer de meilleures qualités de soins et une meilleure viabilité du système national de santé. L’analyse des raisons de cette migration montre que ce phénomène est complexe et étroitement lié à l’instabilité économique, sociale et politique qu’a connue la Tunisie ces dernières années. Cette instabilité a conduit à une tendance haussière de la migration des professionnels de santé qualifiés. Les pressions économiques, le déficit en infrastructures de santé, l’insécurité sociale et professionnelle sont autant de facteurs qui ont aggravé et justifié cette tendance préoccupante.
Outre ces facteurs, l’ITES a évoqué les opportunités professionnelles limitées, les salaires peu attractifs, les conditions de travail difficiles, le manque d’équipements médicaux, en passant par des problèmes de conditions de vie et de travail. Cette migration a un effet domino sur le système de santé tunisien qui se débat déjà contre le manque de personnel qualifié. Si cette migration se poursuit au rythme actuel, elle pourrait avoir des conséquences graves sur le système de santé, qui perd, ainsi, certains de ses meilleurs professionnels aggravant le déséquilibre régional. Revers de la médaille, les migrants tunisiens font rentrer des devises, acquièrent des connaissances et de l’expertise et véhiculent une image positive du pays.
Appel à des réformes structurelles et conjoncturelles
Pour circonscrire ce phénomène et retenir les professionnels en Tunisie, l’ITES appelle à s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité et de mettre en place des réformes à la fois structurelles et conjoncturelles pour renforcer le système national de santé et garantir des soins de qualité pour la population. Pour cela, il est essentiel que le gouvernement s’engage à investir davantage dans le secteur de la santé en vue d’améliorer les conditions de travail des professionnels de santé, de créer un environnement plus stable et plus sécurisé propice au développement de carrière dans le secteur, d’offrir des salaires attractifs encourageant ces professionnels à rester sur place et de favoriser la migration circulaire.
Selon l’ITES, cette stratégie de rétention doit être abordée dans un contexte de mondialisation croissante où la dimension politique se heurte aux aspirations des personnes à une vie meilleure via la migration. Pour y parvenir, en ces temps de crise, il conviendrait de renforcer l’autorité de l’Etat en tant qu’acteur principal. Le gouvernement devra s’attaquer aux enjeux de fond dans le cadre d’une approche holistique et intégrée.
En ce sens, des réformes structurelles permettraient de réduire la migration des professionnels de santé à travers l’atténuation de certains facteurs d’instabilité et le renforcement du système national de santé afin qu’il soit en mesure de retenir ses meilleurs professionnels via la mise en place d’un écosystème global répondant à leurs aspirations. Ces mesures, associées à celles contenues dans le plan d’actions, sont nécessaires pour renforcer le système national de santé, retenir ses professionnels et renforcer ses capacités de résilience. Elles constituent des leviers pour la mise en œuvre d’une PNS à long terme suivant une approche progressive mais déterminée.
L’ITES a en outre estimé que la période à venir nécessitera une volonté politique ferme, des engagements concrets et une capacité d’adaptation de l’appareil de l’Etat pour répondre aux besoins du secteur de la santé qui doit être pensé comme un investissement et non comme un fardeau de dépenses.