
• Un tel niveau de circulation fiduciaire, du jamais-vu, soulève des questions majeures sur les risques de dérive vers une économie de plus en plus informelle !!!
• Repli massif des usagers vers le liquide jugé plus « sûr » face à un environnement juridique devenu plus contraignant
• Une explosion à contre-courant des politiques de digitalisation financière et de traçabilité des paiements, promues depuis des années
• Cette fuite vers le cash pourrait compromettre les objectifs de réforme du système bancaire
• La poussée du cash est aussi le symptôme d’une défiance croissante envers le système bancaire et l’administration fiscale
TUNIS – UNIVERSNEWS – C’est un chiffre qui interpelle. Le montant des billets et pièces en circulation en Tunisie a franchi un nouveau record : 24,1 milliards de dinars au 27 mai 2025, contre 21,22 milliards à la même date en 2024. Une hausse vertigineuse de 13,5 % en glissement annuel, selon les données publiées par la Banque centrale de Tunisie.
Un tel niveau de circulation fiduciaire, du jamais-vu, soulève des questions majeures sur les habitudes de paiement, la confiance dans le système bancaire, et surtout sur les risques de dérive vers une économie de plus en plus informelle !!!!
Des réformes… aux effets inattendus ??
Plusieurs économistes attribuent cette accélération à des modifications récentes du cadre réglementaire. En tête de liste : la nouvelle législation sur les chèques, entrée en vigueur en août 2024. Résultat : un repli massif des usagers vers le liquide, jugé plus « sûr » face à un environnement juridique devenu plus contraignant.
Autre décision controversée : la levée en octobre 2024 de la limite légale de détention d’espèces et de l’obligation de justifier leur origine. Une mesure qui visait officiellement à « fluidifier les transactions » mais qui, selon plusieurs observateurs, a ouvert la porte à une re-matérialisation de l’économie et à une opacité accrue des flux financiers.
Entre défi monétaire et dérive informelle !!?
Cette explosion du cash inquiète les analystes. Car elle va à contre-courant des politiques de digitalisation financière et de traçabilité des paiements, promues depuis des années.
« Plus le numéraire circule, plus les transactions échappent au contrôle fiscal et monétaire », avertit un ancien cadre de la BCT. « Cela affaiblit l’efficacité des instruments de politique monétaire, et alimente l’économie parallèle. »
Dans un contexte de fragilité budgétaire, de pressions inflationnistes, et d’efforts pour renforcer la transparence financière, cette fuite vers le cash pourrait compromettre les objectifs de réforme du système bancaire.
Et maintenant ? Des projections qui inquiètent
Si la tendance actuelle se poursuit sans régulation adaptée, le volume de billets et pièces en circulation pourrait franchir les 25 milliards de dinars d’ici la fin 2025, soit un niveau inédit qui représenterait près de 12 % du PIB nominal, un seuil critique pour les autorités monétaires.
Selon des simulations d’économistes tunisiens, chaque point supplémentaire de croissance du cash en circulation pourrait :
• Réduire l’efficacité de la politique de taux directeur de la BCT ;
• Accroître les écarts entre l’économie réelle et les données officielles ;
• Encourager la thésaurisation et retarder la bancarisation de larges segments de la population.
Vers une refonte du modèle de confiance ?
Au-delà des chiffres, cette poussée du cash est aussi le symptôme d’une défiance croissante envers le système bancaire et l’administration fiscale.
La Tunisie, qui ambitionne de moderniser son économie, devra aussi reconstruire la confiance, brique par brique, entre les institutions, les entreprises et les citoyens.
Face à cette urgence, la BCT et le ministère des Finances seraient appelés à mettre en œuvre un plan coordonné, combinant :
• Des incitations fiscales à l’usage des moyens électroniques ;
• Des campagnes de sensibilisation à la bancarisation ;
• Et une réintroduction partielle de seuils de détention en espèces, pour restaurer une forme de traçabilité minimale.