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La chasse aux médecins évadés fiscaux se poursuivra encore et la DGI n’a pas l’intention de s’arrêter !
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Les médecins ont déclaré un revenu mensuel net de 1303 dinars, alors que les dentistes, l’équivalent d’un revenu mensuel de 672 dinars !!!
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L’Ordre a exprimé ses inquiétudes face à la diabolisation du médecin alors que les gros bonnets de l’évasion fiscale travaillent en toute liberté
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La Direction générale des Impôts (DGI) a démenti toute intention de cibler un secteur bien déterminé notamment les médecins
TUNIS – UNIVERSNEWS Des centaines de médecins sont interpelés chaque jour, depuis environ deux mois, par la brigade de lutte contre l’évasion fiscale relevant de la Direction Générale des Impôts (DGI), pour régler leurs situations fiscales. Certains l’ont déjà fait alors que d’autres sont en cours. Ils sont accusés de cacher leur argent et de ne pas déclarer certaines opérations chirurgicales au fisc. Ils sont aussi inculpés de profiter des lacunes de la loi ! Ainsi, nous entendons ici et là parler de médecins qui achètent des biens aux noms de leurs familles pour les récupérer après sous forme de dons. Ils investissent aussi leur argent en bourse pour ne pas laisser de la trace. Selon nos informations, la brigade de lutte contre l’évasion fiscale aurait accéder aux données des médecins via la plateforme où sont stockés leurs données (Contacts des médecins, nombre de malades, nombre d’opérations chirurgicales réalisées par chaque médecin…etc).
Cette campagne de fouille dans les comptes des médecins a commencé déjà depuis près de deux mois et va se poursuivre encore. Les médecins qui n’ont pas encore réglé leurs situations auprès du fisc, ont reçu des préavis pour une révision fiscale préliminaire des comptes, notamment ceux de l’année 2019. Et la chasse aux médecins évadés fiscaux se poursuivra encore ! La DGI n’a pas l’intention de s’arrêter ! Elle est déterminée à aller jusqu’au bout dans sa lutte contre l’évasion fiscale, d’ailleurs c’est la raison de son existence.
D’après des statistiques du ministère des Finances pour l’année 2013, les médecins du secteur privé, dont les dentistes, qui sont au nombre de 7800, ont déclaré, en 2013, des revenus estimés à 180 millions de dinars (MDT). Pour ces recettes, ils n’ont payé au fisc que 36 millions 800 mille dinars d’impôts.
Sur la base de ces chiffres, chaque médecin paye, annuellement, 4708 dinars d’impôts, soit l’équivalent d’un revenu mensuel net de 1303 dinars. Pour les dentistes, chacun paye 1813 dinars d’impôts par an, soit l’équivalent d’un revenu mensuel de 672 dinars.
La valeur des impôts payés par 75% des médecins du secteur privé n’atteint pas le montant payé par le médecin du secteur public soumis au régime de la retenue à la source. Cela veut dire que les trois quarts des médecins ne se conforment pas à la loi.
Dans une étude qui remonté à l’année 2016, de Inkifada d’ailleurs qualifié les avocats, les médecins et les architectes comme étant les champions de la fraude fiscale.
CNOM : Non à la généralisation
Ces accusations n’ont pas tardé à faire réagir le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM). Son secrétaire général, Nizar Laâdhari a dénoncé, dans une interview accordée à Universnews, la généralisation des accusations portées contre les médecins. « Il y a certainement des médecins qui gagnent des millions chaque mois et ne les déclarent pas au fisc, mais cela n’autorise en aucun cas de mettre tout dans le même sac », a-t-il dit.
Face à ces accusations généralisées, Nizar Laâdhari a exprimé ses inquiétudes du fait de diaboliser le médecin alors que les gros bonnets de l’évasion fiscale et les têtes de réseaux du marché parallèle et des réseaux sociaux travaillent en toute liberté, selon ses dires. « On s’attaque toujours aux médecins parce qu’il s’agit de la cible la plus facile à atteindre », a-t-il précisé.
Il a fait en outre remarquer qu’il ne peut en aucun cas être contre la loi et qu’il soutient les efforts de la brigade en charge de la lutte contre l’évasion fiscale : « Les médecins sont soumis déjà à un contrôle fiscal et on n’est pas contre l’application de la loi, mais plutôt contre les campagnes de diabolisation qui cible tous les médecins, sans exception », a-t-il assuré.
Il a dans le même cadre indiqué que la Brigade de lutte contre l’évasion fiscale, devenue officiellement opérationnelle en 2017, cible et poursuit, d’habitude, des personnes bien précises susceptibles d’avoir fraudé le fisc, contrairement à aujourd’hui où tous les médecins, sans exception, sont visés, ce qui n’est pas logique, selon ce qu’il a dit.
La loi est la même pour tous
Nizar Laâdhari a tenu par ailleurs à préciser que même la brigade de lutte contre l’évasion fiscale, a pu accéder aux données des médecins, elle ne peut pas avoir des chiffres exacts sur le nombre de malades ou d’opérations faites par chaque médecin dans la mesure où certaines opérations, par appartenance familiale ou amicale, se font gratuitement. « Nous comprenons que la Brigade a reçu des ordres, mais ce qui inquiète c’est la pression exercée sur les médecins, surtout sur ceux qui déclarent leur fisc de manière régulière. », a-t-il déploré.
« C’est notre pays et c’est notre devoir de payer le fisc mais pourquoi ne cibler que les médecins (…) Il n’ya que les médecins ? (…) certains secteurs et professions portent préjudice à l’économie du pays à travers l’évasion fiscale et personne n’en parle et ne sont pas même visés », a-t-il dit.
Nizar Laâdhari a appelé à une application égale et uniforme : « La loi doit être la même pour toutes les professions sans exception », a tenu à préciser Laâdhari, avant de souligner que les médecins sont toujours visés par le fisc bien qu’ils ne bénéficient ni d’encouragements sociales ni d’avantages fiscales. Ce sont entre autres, parmi les raisons qui poussent les médecins à migrer pour travailler à l’étranger. « On ne soutient pas l’évasion fiscale mais on est pour l’application équitable de la loi », a-t-il dit.
Mselmi : Trop d’impôt tue l’impôt
Abdelmajid Mselmi, docteur spécialiste en chirurgie générale et professeur à la Faculté de Médecine a appelé à alléger la pression fiscale sur les personnes physiques : « Trop d’impôt tue l’impôt (…) les médecins partagent amplement l’avis non seulement des autres professions libérales mais aussi des experts que la charge fiscale exercée sur les personnes physiques est très lourde. L’état a récemment allégé la charge fiscale pour les sociétés mais ne l’a pas fait pour les médecins », a-t-il assuré.
Mselmi a en outre indiqué que la grille des impôts qui date de plusieurs années est franchement injuste. « A partir d’un gain annuel de 30 mille dinars par an (soit 2500 dinars par mois) l’impôt est de 30%. A partir de 50 000 dinars (soit 4000 D par mois) l’impôt s’élève à 35 %. C’est très excessif, selon ses dires : « On dit souvent à titre anecdotique qu’à partir de cette barre le service des impôts partage avec nous notre gain d’argent. Pourquoi alors travailler davantage ? », s’est-il exclamé.
Il a fait par ailleurs remarquer qu’un salaire de 50 000 Dinars par an n’est pas un luxe pour un médecin libéral avec la cherté de la vie et ses besoins spécifiques. « Les médecins libéraux ont un sentiment profond d’injustice depuis qu’on a instauré en 2018 un prélèvement de 1% sur le chiffre d’affaire au profit de la caisse de la santé. Ce prélèvement n’est effectué exclusivement qu’au dépends des professions médicales et pharmaceutiques libérales », a encore souligné Mselmi, avant d’appeler à réviser la grille des impôts pour les personnes physiques.
La DGI dément !
Contactée par Universnews, la Direction générale des Impôts (DGI) a démenti toute intention de cibler un secteur bien déterminé notamment les médecins. Et de préciser que la DGI est déterminée, de part son rôle de lutter contre la fraude fiscale, d’accentuer les efforts visant à lutter contre l’évasion fiscale quelle que soit son origine.
La DGI a en outre assuré que les campagnes de contrôle qui ont déjà démarré depuis une bonne période ont touché tous les secteurs d’activités sans exception, et c’est dans ce cadre d’ailleurs que s’inscrit le contrôle en cours sur les comptes d’un bon nombre de médecins et ce après avoir s’assurer, sur la base de données, de la non-conformité entre les revenus et les sommes déclarées auprès du fisc.
Notre source nous a également confié que les opérations de contrôle sont toujours en cours et ne vont épargner aucun secteur.
B.B.R.