
Classement des compagnies d’assurances en Tunisie: une lecture scientifique et argumentée
Tunis, UNIVERSNEWS (Finances) – Le secteur tunisien de l’assurance constitue un pilier essentiel de l’écosystème financier, en assurant à la fois la protection des agents économiques et le financement indirect de l’investissement. Avec une contribution croissante au PIB et un rôle accru dans la mobilisation de l’épargne, il s’impose comme un acteur stratégique dans la stabilité et le développement du système financier.
Cependant, l’analyse du marché ne peut plus se limiter au volume du chiffre d’affaires ou à la taille des portefeuilles. La rentabilité, l’efficacité technique et la solidité financière sont devenues des déterminants majeurs pour évaluer la performance réelle des compagnies d’assurance. Les exigences réglementaires (Bâle III, Solvabilité II adaptée), la montée en puissance des risques systémiques (climat, santé, digitalisation) et la concurrence accrue imposent une approche plus scientifique et multidimensionnelle.
Le présent classement 2025, élaboré à partir des données 2024, adopte une grille multicritère intégrant la rentabilité (résultat net et ROE), la maîtrise des risques (ratio de sinistralité), la solidité financière (croissance des capitaux propres) et la puissance commerciale (chiffre d’affaires).
Cette méthodologie permet de distinguer non seulement les leaders historiques comme COMAR, mais aussi les compagnies émergentes telles que CARTE Vie, BNA Assurances et Attijari Assurances, qui affichent des performances remarquables.
Cette lecture scientifique vise ainsi à donner une vision claire, argumentée et comparative de la place de chaque acteur, tout en mettant en évidence les trajectoires stratégiques et les leviers de compétitivité.
La grille de cotation multicritère
La méthodologie adoptée repose sur 5 critères pondérés, permettant une évaluation équilibrée entre taille, solidité et efficacité :

Cette grille permet d’équilibrer puissance commerciale, maîtrise des risques et création de valeur.
Classement général des compagnies


Présentation détaillée des compagnies
1/COMAR – Le leader du marché: L’équilibre taille / rentabilité

COMAR se positionne comme le leader systémique du marché avec 262,7 MDT de primes et un bénéfice net de 63,6 MDT. Son ROE de 19,6% se situe nettement au-dessus de la moyenne sectorielle (≈12%), traduisant une efficacité remarquable dans l’allocation du capital.
Son ratio de sinistralité de 65% montre une gestion technique maîtrisée mais proche du seuil critique. La croissance de ses capitaux propres (+41,6 MDT) confirme une politique prudente de consolidation des fonds.
COMAR illustre un modèle d’assurance universelle diversifiée, où la taille confère un effet d’échelle, mais exige une rigueur dans la gestion des risques pour éviter une dégradation technique.
Forces : leadership consolidé, gestion technique solide, croissance continue.
Défi : maintenir cette performance face à une concurrence de plus en plus dynamique.
2/Assurances BIAT – La rentabilité avant tout : Le modèle de rentabilité technique

Avec 110,7 MDT de primes, Assurances BIAT démontre que la taille n’est pas une condition nécessaire à la performance. Son ROE de 26,9% (le plus élevé du secteur) et son ratio de sinistralité de 51% révèlent un portefeuille client sélectionné et une rigueur actuarielle dans la tarification.
La progression des capitaux propres (+15,2 MDT) reflète une capacité d’autofinancement durable.
BIAT Assurances applique une stratégie de rentabilité par maîtrise des risques, se rapprochant des modèles européens où l’assureur mise sur une sélection stricte plutôt que sur le volume.
Forces : rentabilité technique et financière exceptionnelle.
Défi : élargir la base commerciale pour renforcer sa part de marché.
3/ CARTE Vie – L’efficacité sur le segment vie: La spécialisation comme levier d’efficacité

CARTE Vie enregistre un ratio de sinistralité très bas (38%), confirmant la faible volatilité du segment vie par rapport à la non-vie. Son ROE de 14,6% et son bénéfice net de 11,1 MDT démontrent que la compagnie a atteint une zone de rentabilité durable.
Ce modèle s’apparente à une stratégie de segmentation spécialisée, où la compagnie bénéficie d’une meilleure prévisibilité des risques mais reste exposée à la concurrence sur le marché vie.
Forces : maîtrise technique, positionnement fort sur le marché vie.
Défi : étendre son portefeuille au-delà de son créneau de spécialisation.
4/ BNA Assurances – Une croissance équilibrée

Avec 146,7 MDT de primes et un bénéfice net de 16,3 MDT, BNA Assurances affiche une progression de ses capitaux propres (+16,3 MDT). Toutefois, son ratio de sinistralité de 67% est supérieur à la moyenne sectorielle (≈60%), réduisant sa marge technique.
L’entreprise suit une stratégie de croissance de part de marché, soutenue par l’adossement bancaire, mais au prix d’une rentabilité plus fragile.
Forces : adossement au groupe BNA, croissance financière soutenue.
Défi : améliorer la maîtrise des sinistres pour renforcer la rentabilité.
5/ Attijari Assurances – Rentabilité confirmée

Attijari Assurances dégage un ROE de 17,3% et un bénéfice net de 11,9 MDT pour 142,4 MDT de primes. Toutefois, la diminution de ses capitaux propres (–1,1 MDT) constitue un signal négatif.
La compagnie optimise sa rentabilité à court terme, mais cette approche peut réduire sa résilience face aux chocs. Une gestion proactive du capital réglementaire devient impérative.
Forces : taille respectable, bonne rentabilité.
Défi : stabiliser les fonds propres pour préserver la confiance des partenaires.
6/ GAT – Un modèle solide: Robustesse financière et équilibre technique

Avec 256,8 MDT de primes, un bénéfice de 27,8 MDT et un ROE de 20,1%, la GAT démontre une bonne maîtrise des risques, son ratio de sinistralité de 58% étant proche de l’optimum.
La GAT suit un modèle de croissance rentable, équilibrant volume et rentabilité technique, et peut être considérée comme un « challenger systémique » face à COMAR.COMAR.
Forces : robustesse financière, bonne efficacité opérationnelle.
Défi : renforcer son attractivité face à COMAR et Maghrebia.
7/ ASTREE – Régularité et solidité: La constance comme avantage compétitif

Avec 28,9 MDT de bénéfices pour 176,2 MDT de primes, ASTREE maintient un ROE de 16,4% et une sinistralité de 57%. Elle incarne un modèle de stabilité actuarielle.
ASTREE illustre une trajectoire de croissance organique prudente, favorisant la régularité des performances plutôt que des pics de rentabilité.
Forces : performance constante, solidité technique.
Défi : innover pour accélérer la croissance face à une concurrence agressive.
8/ Maghrebia – Un poids lourd en quête d’efficacité : Puissance commerciale mais fragilité technique

Avec 268,6 MDT de primes et 28,3 MDT de bénéfices, Maghrebia affiche un ROE de 18,8% mais une sinistralité élevée (67%).
Son modèle repose sur la force commerciale et la diversification, mais l’efficacité technique reste un point faible qui limite la transformation du volume en rentabilité.
Forces : puissance commerciale, marque forte.
Défi : mieux contrôler les coûts liés aux sinistres pour améliorer son score de rentabilité.
9/ BH Assurance – Montée en puissance

Avec un ratio de sinistralité critique de 79%, BH Assurance ne parvient pas à transformer ses 111 MDT de primes en rentabilité optimale (ROE 10,5%).
Cette situation illustre les limites d’un modèle centré sur la croissance du volume sans optimisation du risque, ce qui expose la compagnie à des marges volatiles.
Forces : adossement bancaire solide, potentiel de croissance.
Défi : renforcer ses outils de souscription et de contrôle des risques.
10/ Maghrebia Vie – Discipline et régularité

Avec un ratio de sinistralité de 50%, un bénéfice de 20,1 MDT et un ROE de 15,3%, Maghrebia Vie illustre un modèle de croissance disciplinée.
L’assureur vie suit une logique d’accumulation de réserves qui lui confère un profil prudentiel robuste.
Forces : maîtrise du métier vie, solidité accrue.
Défi : accélérer son développement pour rattraper CARTE Vie.
11/ CARTE – Un assureur solide mais prudent

CARTE demeure une compagnie de référence sur le marché tunisien avec un chiffre d’affaires solide de 173,7 MDT et une image de marque reconnue. Toutefois, son résultat net de 7,9 MDT et surtout son ROE de 5,1% révèlent une performance en retrait par rapport aux standards du secteur. Le ratio de sinistralité (65%) traduit une exposition importante aux risques techniques. L’entreprise reste stable grâce à ses capitaux propres (155,4 MDT), mais sa faible rentabilité questionne sa capacité à créer durablement de la valeur pour ses actionnaires.
Forces : stabilité et notoriété.
Défi : améliorer la rentabilité nette pour se hisser parmi les leaders.
12/ STAR – Volume mais faible rentabilité : Une puissance commerciale mal valorisée

Avec 376,8 MDT de chiffre d’affaires, la STAR est la première compagnie du marché en termes de taille et de collecte de primes. Cependant, cette domination ne se traduit pas par une rentabilité équivalente : son résultat net plafonne à 15,6 MDT, soit un ROE de 3,7%. Le ratio de sinistralité particulièrement élevé (77%) reflète des charges de sinistres lourdes, qui érodent ses marges. STAR illustre ainsi un paradoxe fréquent dans l’assurance : l’effet d’échelle, s’il n’est pas accompagné d’une gestion technique rigoureuse, ne garantit pas la rentabilité.
Forces : puissance commerciale et réseau.
Défi : transformer la taille en efficacité réelle.
13/ GAT Vie – Rentabilité intéressante: Un rendement élevé sur un périmètre restreint

GAT Vie se distingue par un ROE remarquable de 21,3%, l’un des plus élevés du marché. Avec un chiffre d’affaires modeste (72,3 MDT) et un résultat net de 5,1 MDT, l’entreprise démontre une gestion efficace du segment vie. Son ratio de sinistralité très favorable (37%) conforte cette solidité technique. Néanmoins, sa petite taille limite son poids systémique et sa capacité à concurrencer les leaders. Elle apparaît ainsi comme un acteur de niche performant, mais avec des perspectives de croissance conditionnées à un élargissement de sa base assurée.
Forces : rentabilité technique.
Défi : développer son portefeuille pour peser davantage sur le marché.
14/ Hayett – Discrétion mais constance

Hayett affiche une performance équilibrée, avec 112,3 MDT de chiffre d’affaires, 9 MDT de bénéfices et un ROE de 16,3%. Son ratio de sinistralité maîtrisé (44%) traduit une gestion prudente du risque. La compagnie se positionne comme un acteur discret mais résilient, capable d’assurer une croissance stable sans flambée de résultats. Son rôle est souvent sous-estimé, mais elle incarne un modèle prudent qui privilégie la stabilité à la recherche de gains rapides.
Forces : ratios équilibrés, bonne discipline technique.
Défi : accroître sa visibilité et renforcer sa compétitivité.
15/ Zitouna Takaful – Maîtrise technique

Zitouna Takaful se distingue par un ratio de sinistralité exceptionnellement bas (18%), preuve d’une gestion technique très rigoureuse. Avec 34,9 MDT de chiffre d’affaires et un bénéfice net de 4,9 MDT, la compagnie enregistre un ROE de 6,9%. Sa taille reste modeste, ce qui limite son influence sur le marché, mais ses fondamentaux solides traduisent un potentiel latent de croissance, notamment si elle parvient à élargir sa base client et à diversifier ses produits.
Forces : bonne maîtrise technique, modèle alternatif (takaful).
Défi : atteindre une taille critique pour peser sur le marché.
16/ El Amana Takaful – Fort potentiel de croissance

Avec seulement 11,9 MDT de chiffre d’affaires, El Amana Takaful demeure un acteur de petite taille. Toutefois, son résultat net de 3,7 MDT, combiné à un ROE de 14,3%, illustre une rentabilité intéressante. Sa progression rapide des capitaux propres (+10,3 MDT) confirme une trajectoire ascendante. Si cette dynamique se poursuit, l’entreprise pourrait s’imposer comme un acteur incontournable du segment takaful en Tunisie, notamment grâce à la croissance de la demande en assurance conforme à la finance islamique.
Forces : forte croissance, ratios prometteurs.
Défi : élargir son portefeuille et renforcer ses fonds propres.
17/ LLOYD – Une taille conséquente mais rentabilité limitée

LLOYD présente un profil contrasté : avec 214 MDT de chiffre d’affaires, elle figure parmi les grandes compagnies du marché. Cependant, son résultat net de 8,4 MDT et son ROE limité (9,6%) indiquent une difficulté à convertir sa taille en rentabilité. Le ratio de sinistralité (58%) est dans la moyenne, mais le rendement global reste modeste. LLOYD illustre ainsi le défi de la transformation de parts de marché en véritable création de valeur.
Forces : présence forte sur le marché.
Défi : améliorer la rentabilité nette.
18/ Cotunace – Spécialisation à faible rendement

Cotunace, avec un chiffre d’affaires de 13,4 MDT et un bénéfice net de 4,3 MDT, incarne un modèle de spécialisation. Son ROE de 6,9% et son ratio de sinistralité de 63% traduisent une performance correcte, sans excès. Sa contribution au marché demeure limitée, mais sa stabilité lui assure une place pérenne dans son segment.
Cotunace représente typiquement un assureur de niche, jouant un rôle spécifique mais non dominant dans le paysage national.
Forces : niche maîtrisée.
Défi : élargir ses segments pour croître durablement.
19/ LLOYD Vie – Bonne rentabilité mais petite taille

Avec 22,8 MDT de chiffre d’affaires et un résultat net de 1,7 MDT, LLOYD Vie se distingue par un ROE impressionnant de 22,5%. Toutefois, sa taille modeste réduit fortement son poids relatif sur le marché.
LLOYD Vie illustre le paradoxe des compagnies de niche : une rentabilité remarquable mais un impact limité. Pour croître, elle devra renforcer sa collecte et consolider son portefeuille vie.
Forces : forte rentabilité relative.
Défi : renforcer sa présence pour exister face à CARTE Vie et Maghrebia Vie.
20/ Attakafulia – Taille modeste

Attakafulia présente un cas atypique : un ratio de sinistralité extrêmement bas (5%), traduisant une politique de souscription très restrictive. Pourtant, son ROE est faible (3,1%), avec un bénéfice limité à 1 MDT pour 28,7 MDT de chiffre d’affaires.
Cette prudence excessive limite sa capacité à générer de la valeur. Pour améliorer sa compétitivité, Attakafulia devra trouver un équilibre entre rigueur technique et développement commercial.
Forces : maîtrise des risques.
Défi : dynamiser la croissance et améliorer la rentabilité.