- Le modèle de développement est dépassé
- Le monopole du tabac n’existe qu’en Corée du Nord et…en Tunisie !
Après un très long silence, l’ancien ministre de l’Investissement et ministre des Finances par intérim et actuel PDG de Tunisie Valeurs, Fadhel Abdelkefi, a fini par parler de l’actuelle situation économique en Tunisie tout en essayant d’établir le diagnostic et, éventuellement, les remèdes pour sortir de ce que tout le monde appelle le tunnel.
C’est donc dans le cadre de l’émission de chaîne nationale de télévision « Al Wataniya 1 où, près d’une demi-heure durant il a tenu un discours limpide loin de toute langue de bois et empreint de franchise
Avant de passer au contenu de cette interview, il est bon de rappeler que Fadhel Abdelkefi est diplômé de la faculté des sciences économiques de l’université Panthéon-Sorbonne.
Fils de l’économiste et homme d’affaires Ahmed Abdelkefi, il intègre en 1994 les rangs de Tunisie Valeurs, un intermédiaire en bourse fondé par son père et dont il prend la direction en 2005.
Président du conseil d’administration de la Bourse de Tunis, fonction qu’il exerce de 2011 à 2014, il réintègre l’entreprise Tunisie Valeurs en novembre 2017 en tant que président du conseil d’administration4.
Entretemps, il occupe les postes de ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale le 27 août 2016 et également ministre des Finances par intérim le 30 avril 2017 suite au limogeage de Lamia Zribi. Le 18 août 2017, il démissionne de ses deux fonctions.
L’Hôte de cette émission indique, d’entrée que l’économie tunisienne souffre d’une inflation qui n’est pas descendu du seuil des 7% avant d’enchaîner par ce constat : Le problème est politique aussi dans la mesure où les gouvernants devaient être francs et transparents. En effet, il fallait informer le peuple de la situation réelle de l’économie et des finances du pays qui a dégringolé dangereusement durant ces huit ans d’après 2011.
La hausse vertigineuse des prix, principal souci des citoyens consommateurs, est le résultat de l’approche suivie par le pouvoir depuis 2011 en matière de finances publiques sachant que le budget de l’Etat, qui était à l’époque de 18,6 milliards de dinars, est passé à 41 milliards de dinars alors que les principaux moteurs de l’économie nationale, dont notamment, le phosphate, le tourisme, les services et autre logistique, étaient en panne à cause des mouvement de contestations incessants. Ce qui a entraîné un grave déficit du budget de l’Etat suite au recul des recettes des sociétés nationales qui étaient, pour leur plupart, bénéficiaires.
Il ajoute qu’il est évident que plus l’inflation et le déficit augmentent, plus l’endettement et les impôts augmentent aussi, d’où le saut effarant dudit endettement passant de 25 milliards de dinars en 2011 à 80 milliards de dinars en 2019, soit 72% du PIB.
M. Abdelkefi estime, par ailleurs que l’augmentation des salaires et de l’inflation a poussé la Banque centrale de Tunisie à augmenter le taux directeur qui constitue une arme à double tranchant qui peut entraver les investissements.
L’invité de l’émission d’Al Wataniya 1, a tenu à préciser, tout de même, que la vague de revendications sociales depuis la révolution a entraîné des pressions sur les gouvernements successifs
Et pour être constructif, Fadhel Abdelkefi estime que, pour sortir de la crise, il faudrait établit une sorte de pacte, similaire à celui établi en 1956, pour changer le modèle de développement. Mais des solutions urgentes doivent être adoptées dont, entre autres, le changement du code des changes, l’accélération de la mise en œuvre de l’accord sur l’open sky qui boosterait le secteur du tourisme et ferait promouvoir la compagnie de Tunisair tout en critiquant la mauvaise exploitation de l’aéroport d’Enfidha.
Concernant le Bassin minier, Fadhel Abdelkefi a appelé à la nécessité de faire participer les employés au capital de la Société et traiter les problèmes des autres sociétés au cas par cas selon les priorités et les besoins. Et surtout, il faut aborder les cas des monopoles de l’Etat qui sont infructueux. A titre d’exemple, le monopole du tabac n’existe qu’en Corée du Nord et…en Tunisie !
Evoquant les salaires, l’invité assure que c’est la masse qui est élevée, car les salaires, en eux-mêmes, sont parmi les plus faibles dans le monde.
Pour conclure, Fadhel Abdelkefi a mis à l’index les clivages politiques qui empêchent les réformes de l’économie et des finances publiques appelant ceux qui gouvernent à parler et agir, en même temps, et entreprendre, sans coup férir, les réformes qui s’imposent au lieu de nous rebattre les oreille par cette formule : « on va réformer…on va agir… on va… on va… »
Compte-rendu de : Noureddine H.