Frais du personnel et stabilité du modèle bancaire tunisien : diagnostic critique et comparatif international!!!

  • Un secteur bancaire tunisien sous pression et les frais du personnel représentent un poids croissant et mal couvert ?!?
  • La soutenabilité du modèle bancaire tunisien apparaît de plus en plus fragile face aux normes internationales et aux chocs économiques attendus.
  • Le modèle tunisien se distingue par une dépendance excessive aux marges d’intérêts et une faible couverture des frais du personnel !!!
  • Réformes sociales et pression à venir !!!

Tunis, UNIVERSNEWS (Finances) – Le système bancaire tunisien repose sur un modèle encore très traditionnel, dominé par la marge d’intermédiation. Ce modèle, déjà fragilisé par un faible niveau de diversification des revenus et une exposition forte au risque de taux, est désormais soumis à des tensions accrues. Les charges salariales, parmi les plus élevées de la région, exercent une pression directe sur le produit net bancaire (PNB).

La situation est d’autant plus préoccupante que les récentes dispositions de la loi 2024-41 sur les chèques, qui ont contraint les banques à appliquer une décote sur les intérêts, réduisent encore leurs marges. Dans ce contexte, la soutenabilité du modèle bancaire tunisien apparaît de plus en plus fragile face aux normes internationales et aux chocs économiques attendus.

Le modèle bancaire tunisien repose largement sur les marges d’intérêts, avec une proportion relativement faible de revenus stables issus des commissions et services financiers. Les frais du personnel, représentant un poste de charge majeur, exercent une pression significative sur le produit net bancaire (PNB), impactant la rentabilité et la résilience des banques.

Alors que certaines banques tirent parti de revenus stables pour sécuriser leurs charges, d’autres présentent un déséquilibre structurel marqué, aggravé par les réformes du code du travail tunisien (titularisation des intérimaires) et les revendications salariales prévues pour 2025.

Pour évaluer cette situation, il est essentiel de comparer les ratios tunisiens avec les standards internationaux et les pratiques observées dans des pays voisins comme le Maroc, ou des économies plus matures comme la France.

Les frais du personnel : un poids lourd sur le PNB

Les données financières de 19 banques tunisiennes montrent que les frais du personnel représentent en moyenne 35 % du PNB, avec des extrêmes allant de 16 % (TIB) à 69 % (QNB Tunisie). Ce poids important limite la capacité des banques à investir dans l’innovation, la digitalisation et la diversification de leurs revenus.

Charges de personnel et couverture par les commissions bancaires (en Millions DT)

Analyse technique :

  • Banques performantes : Amen Bank, BIAT, BH Bank et Banque de Tunisie respectent le standard international de 70-80 % de couverture des frais par les commissions, sécurisant leur PNB.
  • Banques vulnérables : QNB Tunisie, BTS Bank et ABC Tunisie avec des couvertures inférieures à 50 %, présentent une forte dépendance aux marges d’intérêts.

Une dépendance excessive aux marges d’intérêts

Le modèle tunisien reste caractérisé par une faible contribution des revenus de commissions (moins de 25 % du PNB en moyenne), contre plus de 40 % au Maroc et près de 50 % en France.

Cette dépendance expose le secteur à tout choc réglementaire ou économique affectant les taux d’intérêt.

L’entrée en vigueur de la loi 2024-41 sur les chèques, en imposant une décote des intérêts, a réduit directement la rentabilité des banques, mettant en lumière la vulnérabilité structurelle du système.

L’absence d’une stratégie claire de développement des revenus stables (services, bancassurance, gestion d’actifs) limite la résilience du secteur face à ces évolutions.

  • Comparaison internationale : Maroc et France

1. Maroc

  • Les banques marocaines affichent un ratio moyen de couverture des frais par les commissions d’environ 70 %, grâce à un modèle bancaire plus diversifié (banque de détail, services financiers, assurance).
  • Les frais du personnel représentent environ 30 % du PNB, un niveau comparable à la Tunisie, mais mieux couvert par les revenus stables.

2. France

  • Dans les banques françaises, les revenus stables couvrent souvent 80-85 % des frais du personnel, permettant une meilleure résilience.
  • Les frais du personnel représentent 25-28 % du PNB, avec une structure de coûts optimisée et une forte diversification des sources de revenus (banque de détail, banque d’investissement, gestion d’actifs).

Analyse comparative :

Le modèle tunisien se distingue par une dépendance excessive aux marges d’intérêts et une faible couverture des frais du personnel, notamment pour les banques moins performantes, ce qui le rend plus vulnérable que le Maroc ou la France face aux chocs économiques et réglementaires.

  • Impacts des réformes du code du travail et revendications salariales

1. Amendement du code du travail

La titularisation des intérimaires et le renforcement des droits du personnel vont augmenter les charges salariales.

  • Exemple : BIAT pourrait voir ses frais passer de 358 M à 440 M, impactant la part de PNB consommée par les charges salariales.

2. Revendications salariales 2025

  • Les banques moins performantes (QNB Tunisie, BTS Bank) risquent de voir la couverture des frais par les commissions tomber en dessous de 15 %, aggravant leur vulnérabilité.
  • Les banques performantes devront également absorber un surcoût, mais leur structure diversifiée leur confère une marge de manœuvre plus importante.
  • Vulnérabilité et perspectives structurelles

La combinaison de frais élevés et de couverture insuffisante par les revenus stables crée une fragilité structurelle :

  • Les banques les plus vulnérables risquent d’être fortement impactées par tout choc économique ou réglementaire.
  • La concentration du secteur pourrait s’accentuer si les établissements vulnérables ne diversifient pas leurs revenus.
  • Les banques performantes pourront renforcer leur position grâce à une meilleure couverture et une diversification des sources de revenus

Projection d’avenir

À moyen et long terme, le secteur bancaire tunisien devra :

  1. Diversifier ses revenus par les commissions, services bancaires et financiers.
  2. Rationaliser les frais de personnel, intégrer les nouvelles obligations légales et optimiser les structures organisationnelles.
  3. S’aligner sur les standards internationaux, avec une couverture des frais par les revenus stables de 70-80 %.

Le modèle bancaire tunisien, centré sur la marge d’intermédiation et lesté par des frais du personnel disproportionnés, montre aujourd’hui ses limites face à l’évolution réglementaire et économique. La loi 2024-41 agit comme un révélateur : en réduisant la rentabilité des crédits, elle expose la fragilité d’un système trop peu diversifié.

Comparé aux standards marocains et français, le modèle tunisien apparaît en décalage préoccupant, cumulant rigidité des coûts, dépendance aux taux d’intérêt et retard dans la diversification.

À défaut d’une réforme en profondeur, intégrant une montée en puissance des revenus de commissions, une rationalisation des frais fixes et une adaptation digitale, le système bancaire tunisien risque de s’enfermer dans une trajectoire de vulnérabilité croissante, où chaque nouvelle contrainte réglementaire ou sociale pourrait devenir un facteur de déstabilisation.

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