Suite à l’annonce en 2017 de l’Ordre des Ingénieurs Tunisiens quant à l’adossement au programme de certification national des écoles d’ingénieurs au label européen EUR-ACE, plusieurs universitaires et ingénieurs se sont élevées pour dénoncer la déliquescence de l’enseignement supérieur tunisien, notamment en termes de souveraineté académique. C’est le cas de Kais Mabrouk, DGA Bouebdelli Education Group qui est revenu sur le dilemme que cette accréditation a fini par provoquer et pour les écoles privées, et pour les futurs ingénieurs.
Pour info, le Label EUR-ACE est un label de qualité européen des formations d’ingénieurs géré par l’European Network for Accreditation of Engineering Education (ENAEE) et délivré par les membres de ce réseau dont la CTI.
Contacté par téléphone, Kais Mabrouk a déclaré que pour pouvoir être accrédité par l’Union européenne du label Eur-Ace il faut respecter les normes européennes en terme de contenu pédagogique (au niveau de la structuration, de l’organisation et du contenu). « Sauf que les écoles privées ont été habilitées par le ministère de l’Enseignement supérieur par rapport à un programme spécifique validé uniquement par le ministère. Il est certes ancien, limite obsolète, mais nous sommes obligés de respecter scrupuleusement le contenu sous peine d’être sanctionnés » a-t-il précisé.
L’universitaire continue sur sa lancée : « Ils ont d’ailleurs le droit de venir à tout moment contrôler le contenu des cours et au moment de la délivrance de l’équivalence, ils vérifient si les cours respectent le programme accrédité par le ministère de l’enseignement supérieur tunisien. Donc, quand les écoles ont déposé leurs demandes d’accréditation Eur-Ace, elles ont été obligées de modifier leur programme de formation. Et ce qui est enseigné aujourd’hui dans les écoles accréditées n’est pas habilité par le ministère de l’enseignement supérieur en Tunisie qui d’un autre coté, veut que les écoles soient accréditées à l’international.
« Autrement-dit, si demain un ministre a une dent contre les établissements privés accrédités, il peut direqu’il ne reconnait plus les diplômes accrédités parce qu’ils ne respectent pas le cahier de charges du ministère tunisien » a déploré Kais Mabrouk.
Selon le responsable, il existe un sérieux dilemme. Il s’explique : « On s’est mis dans une situation de porte-à-faux entre une volonté Européenne et Tunisienne. D’un autre coté, on est en train de céder une partie de notre souveraineté académique à l’UE puisque moi aujourd’hui, étant accrédité par cette dernière, je n’ai plus de compte à rendre au ministère de l’enseignement supérieur » avant d’ajouter : « Techniquement, nous délivrons le diplôme d’ingénieur reconnu, conféré par l’Union Européenne (Eur-Ace) et non plus le tire d’ingénieur du ministère de l’enseignement supérieur tunisien ».
« Il est urgent de concrétiser la création de l’instance nationale indépendante pour l’accréditation des cursus d’ingénieurs. Cette petite guéguerre entre l’ordre des ingénieurs tunisiens et le ministère de l’enseignement supérieur doit cesser dans l’intérêt du pays et de sa souveraineté » conclut Kais Mabrouk.
M.B.H.