TUNIS – UNIVERSNEWS – La consommation des antibiotiques en Tunisie a connu une augmentation considérable. Or, le développement des résistances bactériennes, ainsi que le faible nombre des nouvelles molécules et le recours accru à certaines classes d’antibiotiques, appellent une attention et un suivi particuliers de cette classe de médicaments. Lors du premier congrès de l’Association tunisienne de pharmacologie à Hammamet, Karim Aouem chef de service de pharmacologie clinique au CHU Fattouma Bourguiba de Monastir et secrétaire général de l’Association tunisienne de pharmacologie a mis en garde contre la consommation abusive des antibiotiques ce qui induit une forte résistance aux virus et aux bactéries
- Universnews : La prescription d’antibiotiques en Tunisie est préoccupante et parmi les plus élevées. Qu’en pensez-vous ?
Karim Aouem : Trop d’antibiotiques sont encore consommés de manière générale, souvent de manière inadéquate. Les antibiotiques sont souvent utilisés à tort. La Tunisie fait partie des pays les plus consommateurs d’antibiotiques. Dans ce contexte, nous devons avertir des dangers de quelques habitudes courantes dans la société tunisienne, où certaines personnes ont recours à l’automédication et prescrivent des médicaments à des membres de la famille, des voisins, voire des collègues de travail, outre l’usage des antibiotiques pour un symptôme ou un léger rhume.
Le citoyen choisit l’automédication considérée comme le chemin le plus court et le plus facile. D’où la nécessité de le sensibiliser et l’urgence de tirer la sonnette d’alarme pour mettre terme à ce fléau. La délivrance des antimicrobiens au niveau des pharmacies d’officine ne fait l’objet d’aucun contrôle. Certains pharmaciens répondent aux demandes de citoyens et se permettent de leur vendre différents types d’antibiotiques sans se renseigner sur la maladie. En conséquence, l’antibiotique devient inefficace contre les bactéries, ce qui signifie que l’infection se poursuivra.
Il y a également la pression que subit le prescripteur par le patient qui attend toujours une ordonnance à la sortie de la consultation. Le médecin peut prescrire les antibiotiques d’une façon abusive et joue sur la psychologie des patients. Parmi les autres causes, il y a une pénurie d’antibiotiques de première ligne, fait qu’on a recours aux médicaments de deuxième ligne ce qui risque de compromettre l’écologie bactérienne et peut entraîner la résistance aux antibiotiques.
- Cette tendance entraîne une résistance des bactéries aux traitements. Quels sont les grands risques de l’usage excessif d’antibiotiques ?
L’usage abusif et trop souvent incorrect des antibiotiques a contribué au développement et à la dissémination de bactéries qui sont devenues résistantes aux antibiotiques. L’antibiorésistance, est une des plus grandes menaces pour la santé publique, pourrait coûter la vie à plusieurs personnes par an. Si rien n’est fait, les maladies infectieuses d’origine bactérienne pourraient redevenir une des premières causes de mortalité dans le monde, en provoquant des millions de morts. Plus on prend d’antibiotiques, plus le risque s’accroît de faire émerger des bactéries résistantes qui rendent les traitements antibiotiques ultérieurs moins efficaces pour le patient et pour la collectivité. Par conséquent, il faudrait un bon dosage des bactéries. Les doses d’antibiotiques devraient être ajustées en fonction du poids des patients afin d’optimiser leur efficacité et d’éviter l’apparition de résistances. . Certaines doses risquent d’être toxiques.
- La lutte contre l’antibiorésistance appelle-t-elle à l’effort de tous les acteurs de santé ?
Il faut une bonne formation continue des médecins, de pharmaciens et de tous les acteurs de santé pour les sensibiliser au bon usage rationnel des antibiotiques. Cette formation permet donc de contribuer à la diffusion des messages importants de préventions, afin notamment, de reconnaître les situations propices à la prescription d’antibiotiques, L’optimisation de la prescription des antibiotiques pour maîtriser l’antibiorésistance permettra de reconnaître les situations propices à la prescription d’antibiotiques et d’adapter le type d’antibiothérapie, sa posologie et sa durée de traitement. Cela nécessite donc une stratégie de prévention et de contrôle des infections en associant, non seulement les professionnels de santé, mais également une prise de conscience citoyenne en promouvant l’éducation à ce problème de santé publique. Il faut éviter strictement l’automédication en matière d’antibiotiques, respecter scrupuleusement les règles de leur utilisation et observer les bonnes conditions d’hygiène.
- Quel est le rôle de l’association tunisienne de pharmacologie dans la lutte contre l’antibiorésistance ?
L’ATP essaie d’élaborer un manuel de recommandations ayant pour objectif le bon usage des antibiotiques, et plus particulièrement la mise en place de stratégies d’antibiothérapie les plus efficaces et permettant de prévenir l’émergence des résistances bactériennes. Le bon usage des antibiotiques implique de nombreux acteurs et impose une sensibilisation de tous les acteurs de santé. C’est l’affaire de tous, et non pas seulement des professionnels de santé. C’est un sujet d’éducation à la santé, et il pose la question de la proximité des patients vis-à-vis des professionnels qui peuvent les accompagner
M.S.