Par Khélil LAJIMI
Ancien ministre
TUNIS – UNIVERSNEWS L’Institut national de la statistique (INS) vient de publier les chiffres de l’inflation à fin août 2024. L’Indice des prix à la consommation (IPC) poursuit son repli, depuis son pic de 10,4% en mars 2023, pour baisser à 6,7%. Ce recul de l’inflation est une bonne nouvelle. Il faut saluer les efforts de la Banque centrale de Tunisie (BCT) qui a mené une politique monétaire restrictive pour combattre l’inflation. L’Institut d’émission devrait continuer ce travail pour la ramener à des niveaux qui garantissent la stabilité des prix et ce, malgré un discours qui prône une baisse significative du taux directeur (TD) pour relancer l’investissement. Or, pour vérifier la pertinence d’un investissement, on mesure le taux de rentabilité interne ou taux de rendement interne (TRI) qui est un indicateur financier calculé par les investisseurs et les banquiers. En Tunisie, un investissement qui ne dégage pas un TRI entre 20 et 25 %, en dinars, n’est généralement pas rentable. Donc une variation du taux directeur de 1% à très peu d’impact sur la rentabilité d’un investissement dont le TRI se situe entre 20 et 25 %. Mais nous comprenons nos amis investisseurs qui prônent la baisse des taux d’intérêt vue la sous-capitalisation structurelle des entreprises et le recours excessif à l’effet de levier de l’endettement bancaire. Mais ce reflux de l’inflation ne doit pas nous amener à relâcher les efforts. L’inflation demeure encore élevée et la maîtriser est un enjeu important pour la stabilité économique et la cohésion sociale.
Le groupe alimentation et les soldes principaux contributeurs à la baisse de l’inflation en août
La baisse de l’inflation à fin août est due essentiellement à la décélération du rythme d’augmentation annuelle des prix de l’alimentation à 8,5% contre 9,4% le mois précèdent. Les produits alimentaires libres ont connu une hausse de 9,4% contre 2,6% pour les produits alimentaires à prix encadrés. D’un autre côté, le début de la période des soldes a contribué aussi à cette baisse. Les prix des articles d’habillement et des chaussures se sont repliés (-4,5%) entre juillet et août.
L’Inflation sous-jacente fait de la résistance
Le taux d’inflation sous-jacente (hors produits alimentaires et énergie), indicateur important dans la conduite de la politique monétaire, recule légèrement de 0,1%, pour s’établir à 6,4% contre 6,5% le mois précédent. Cet indicateur scruté par le Comité de politique monétaire ne baisse pas franchement. Pour comprendre la résistance de cet indice, l’analyse de la contribution des secteurs à l’inflation à fin août (6,7%) montre que : l’énergie et l’alimentaire contribuent en valeur absolue pour 0 et 2,5 points respectivement et stables depuis neuf mois ; par contre les produits manufacturés, 2,5 points, et les services, 1,7 points, baissent lentement sur la même période de 4,8 points à 4,2 points.
Baisse du taux directeur de la BCT
Au vu de l’ensemble des indicateurs de l’inflation publiés, ajoutés à une croissance économique encore molle (le mandat de la BCT se limite à la stabilité des prix), les conditions d’une baisse de 50 points de base du taux directeur de la BCT sont réunies. On aurait ainsi un taux directeur de 7,5%. L’important n’est pas l’ampleur de la baisse mais l’inflexion dans le mouvement d’évolution des taux d’intérêts. Un signal positif à l’ensemble des opérateurs économiques et un léger allègement du service de la dette publique intérieure que nous estimons à 130 millions de dinars en année pleine sur l’encours des BTA et des BTC.
Enfin, le travail sur la maîtrise des prix du groupe alimentation reste essentiel pour contenir l’inflation. En effet, les prix alimentaires demeurent très élevés et un travail approfondi sur la constitution de ces prix est un élément clé de la maîtrise de l’inflation. Par ailleurs, une amélioration de la productivité dans les services et les industries manufacturières contribuera aussi à la maîtrise de l’inflation. Il est primordial que les augmentations salariales, dans ces deux secteurs, soient résorbées par une amélioration conséquente de la productivité, autrement les prix continueraient à déraper.