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30 Millions de Masques.
C’est le nombre nécessaire de bavettes pour protéger les tunisiens du coronavirus pendant la période du déconfinement. On est à quelques heures du jour j. Où sont ces bavettes ? 30 Millions de masques ne passent pas inaperçus. Pourtant on ne les voit nulle part. Les grossistes des produits pharmaceutiques et les pharmacies ont arrêté de les commander depuis plusieurs jours parce que les autorités avaient exigé que les masques de protection ne soient commandés que de la pharmacie centrale. Cette dernière ne pourrait s’approvisionner qu’auprès des fournisseurs dont le produit est déclaré conforme aux cahiers des charges édité par les ministères de la Santé et de l’Industrie. C’est le Centre Technique du Textile qui a la charge de certifier ces conformités. Comment vont les choses dans ce Centre ?
Slim Jamoussi, le Directeur Général du CETTEX, nous répond.
- « S.J: Les choses ne vont pas aussi rapidement qu’on le souhaite pourtant tout le monde carbure à fonds. En fait, le cycle de vérification et des tests de conformité est lent. Il aurait été encore beaucoup plus lent et couteux si je n’avais pas remué ciel et terre pour le réaliser en totalité en Tunisie. J’ai dû contacter le technopol de Sfax et consulter plusieurs intervenants pour enfin trouver des partenaires dans le privé qui ont pallié gracieusement à nos lacunes en tant que centre qui, au départ, n’était pas préparé à cette besogne.
- Univernews: Que voulez-vous dire par « cycle de vérification ?
- J: quand nous recevons du fabricant les prototypes de masques à tester, nous les laissons reposer 48h par souci de sécurité sanitaire.
Après cela, nous leur faisons subir un test de respirabilité pour voir s’ils permettent à l’utilisateur de respirer normalement. Des tests toxicologiques sont ensuite entrepris pour vérifier si le tissu que la personne va coller à sa peau ne contient pas de matériaux toxiques.
Enfin, on envoie chaque jour un lot de 15 masques (capacité maximale de vérification) à notre partenaire du privé Misfat qui dispose d’une machine (que nous n’avons pas) permettant la vérification du pouvoir filtrant de la bavette. Mais, ce n’est pas fini. Vient après le test du lavage. Le ministère de la santé exige que les masques soient lavés dix fois à 60° pendant 30mn. Il faut deux à trois jours pour faire ce cycle de vérification.
- Univernews : On sait que le ministère de la Santé exige cette température de lavage de 60°. Mais on sait aussi qu’il demande que figure une couche de polyester perlé parmi les trois tissus formant le masque-type. Or, les fabricants de ce genre de tissu recommandent son lavage à 40° maximum, autrement ce traitement de perlage, qui permet une sorte d’imperméabilisation du tissu représentant une barrière efficace au passage des virus, risque d’être endommagé. Vous en pensez quoi ?
- J : Cette température est exigée par le Ministère de la santé car on pense qu’elle est la meilleure pour tuer le virus.
- UNIVERSNEWS : Quel est le taux d’échec aux tests que subissent les masques qu’on vous présente.
- J : Il est de plus de 50%.
- UNIVERSNEWS : Ce haut taux d’échec ne serait-il pas dû à cette exigence contradictoire du ministère de la Santé qui demande un tissu ne supportant pas la température de lavage qu’il préconise ? faut-il vraiment cette haute température pour tuer un virus qui est liquidé des mains après un lavage de 3min à l’eau froide et au savon ?
- J : Il est vrai que bon nombre de masques échouent au test de lavage à haute température, mais la responsabilité du choix du tissu qui réussit à cette épreuve incombe au fabricant. Ceci dit, on ne peut comparer la désinfection des mains à celle du tissu qui est beaucoup plus complexe et couteuse.
- UNIVERSNEWS : Combien coûte ce cycle complet de vérification au fabricant et combien il aurait coûté si vous l’aviez fait à l’étranger avant de trouver cette astuce de recourir à Misfat pour sous-traiter gratuitement le test de pénétration des particules ?
- J : La meilleure offre que nous ayons eue est turque : 1400 €. Actuellement on facture cette grille de tests uniquement à 600dt (moins de 200€) aux fabricants parce que tout le cycle de vérification est effectué en Tunisie.
- UNIVERSNEWS : Sous-traiter au CETTEX ce genre de tests pourrait donc représenter une manne d’or pour les occidentaux et une occasion de développement inouïe pour votre Centre ?
- J : Peut-être bien, mais ce qui nous préoccupe le plus, maintenant, c’est de tester au plus vite les 150 prototypes de masques qui nous restent à vérifier afin de permettre aux fabricants qui réussissent aux tests de se mettre au travail. Le pays a besoin de 30 Millions de masques pour redémarrer. Pour le moment, 14 fabricants uniquement ont pu passer tous les tests de conformité au cahier des charges ministériel avec succès. »
Sans commentaire !!
Interview réalisée par : Mohamed BEN KHALIFA