Tawfik BOURGOU
-
Il ne s’agit plus de simples déplacements de personnes isolées, mais de vagues continues en lien avec un projet stratégiques d’Etats régionaux ou de milices agissant pour le compte de puissances majeures
-
Il s’agit donc d’un déplacement massif de personnes, depuis des bassins démographiques considérables, ce que le gouvernement italien et le Département des Etats-Unis viennent de souligner
-
Nous sommes en présence de l’importation de troubles sociaux et politiques sur le sol tunisien
-
Il y a une menace de qualité militaire, stratégique que le simple maintien de l’ordre sur le sol national ne pourra plus juguler
-
Ceux qui agissent désormais via ou à travers les vagues migratoires en direction de la Tunisie sont des Etats, avec des stratégies d’Etats
-
Certains des acteurs n’hésiteraient pas à sacrifier la petite Tunisie si cela devait leur permettre de gagner. C’est une constante de l’histoire.
-
On retrouve ici les vieilles connaissances des «funestes» printemps qui voulaient faire de la Tunisie un corridor pour aider au dégagement du pétrole et du gaz libyens vers l’Europe
TUNIS – UNIVERSNEWS – Au moment où le ministre de l’Intérieur prenait la parole le 20 mai devant l’assemblée, on pouvait espérer que ses services lui avaient préparé une note d’actualités concernant les dernières déclarations de la Présidence du Conseil italien et surtout une note précise concernant la position du Département d’Etat des Etats-Unis concernant l’environnement géopolitique immédiat de la Tunisie, spécifiquement la Libye, objet de l’interpellation italienne, en rapport avec l’immigration clandestine subsaharienne via ce pays.
Les dernières déclarations, d’une part, de l’un des partenaires du Ministre tunisien de l’intérieur (l’Italie) et de l’un des parrains de la région MENA (les Etats-Unis) changent totalement la donne et rendent totalement obsolète la stratégie tunisienne (si stratégie il y avait). Ces déclarations, celles de l’Italie et la réponse du Département d’Etat, nous donnent totalement raison sur nos anticipations, notamment celles qui concluaient, il y a un an et demi, que cette crise dite migratoire aboutirait à un bras-de-fer stratégique et à une crise géopolitique.
Désormais, ce qu’on craignait est en train d’arriver. Il ne s’agit plus de simples déplacements de personnes isolées. Il s’agit de vagues continues en lien avec un projet stratégiques d’Etats régionaux ou de milices agissant pour le compte de puissances majeures dans le cadre d’un bras de fer stratégique.
En clair, les services de Meloni accusent directement la Russie, via une troupe implantée en Libye dans la poussée vers le nord d’immigrés subsahariens, notamment des Soudanais et des Somaliens. Les services de Meloni indiquent que l’objectif des Russes et de déstabiliser la Tunisie via les vagues migratoires.
Afin que les choses soient claires procédons dans l’ordre des choses.
Il y a un an et demi nous avions publié ici une tribune. Seul Universnews avait eu le courage et le professionnalisme journalistique d’investigation pour la publier.
Dans cette tribune on soulignait trois points majeurs qui sont aujourd’hui reconnus, deux d’entre eux par l’ensemble des observateurs et par les médias sérieux et non partisans, le troisième point vient d’être reconnu par le Département d’Etat et le Gouvernement italien à la fin de la semaine passée.
Ces trois points ont constitué dès le départ les axes de notre analyse de la submersion migratoire subsaharienne non pas comme un simple fait passager et spontané mais comme une action organisée, structurée étatique contre la Tunisie au moins, mais aussi contre l’Europe du sud. Ce que nous avions publié à l’époque était le fruit d’un travail d’investigation, une analyse technique dans le cadre de notre activité professionnelles centrée sur les risques géopolitiques. Il ne s’agissait pas de simples hypothèses, mais d’analyses de tendances étayées par des faits.
Le premier point souligné il y a un an et demi, concernait le caractère massif et structuré. Nous réitérons ce que nous avons affirmé à l’époque et nous allons encore plus, car le danger face auquel se trouve la Tunisie est vital.
Devant l’assemblée, le ministre de l’Intérieur avance le chiffre de 21 000 clandestins en Tunisie. Nous avons de sérieux doutes sur ce chiffre, il s’agit d’un chiffre remonté depuis le HCR, or tous les clandestins ne vont pas au HCR et ne le sollicitent pas. Ils sollicitent des réseaux de l’immigration clandestine connus d’eux uniquement et non des autorités avant même d’arriver en Tunisie, ils sollicitent les associations qui vivent du « stocks » de personnes qui ne sont en aucun cas en lien avec les autorités tunisiennes, mais sollicitent directement des Etats étrangers ou des réseaux de financement occultes.
Donc le chiffre avancé est au moins partiel sinon faux. Prenons un exemple, celui des nationalités impliquées dans l’implantation de populations étrangères en Tunisie. Pratiquement l’ensemble des nationalités africaines sans exception aucune sont présentes en Tunisie. De la Somalie à la Gambie, du Golfe de Guinée, jusqu’à l’Afrique du sud. Une simple veille sur internet prouve l’existence d’offres pour s’implanter en Tunisie dans tous les pays d’Afrique. Nous soulignons « s’implanter » et non pas pour passer vers l’Europe. Le chiffre des clandestins n’est pas facile à cerner en raison de la clandestinité même. Cela signifie une moyenne de 2000 clandestins par nationalité en estimant qu’il n’y a qu’une dizaine de nationalités, ce qui est un non-sens total. A El Amra, il n’y avait pas loin de 3000 personnes. En moyenne par nuit 100 à 150 personnes entraient frauduleusement par la frontière algérienne. Nous sommes des étiages qui nous mènent vers les 300 ou 500 000.
Il s’agit donc d’un déplacement massif de personnes, depuis des bassins démographiques considérables, ce que le gouvernement italien et le Département des Etats-Unis viennent de souligner justement entre dimanche dernier et lundi 20 mai. Ce que nous avions souligné il y a deux ans.
Le second point auquel se sont convertis même les plus récalcitrants c’est le caractère criminel et politique de l’immigration vers la Tunisie. Le journal Assabah, qu’on ne peut pas accuser de complotisme a produit une étude sur la criminalité liée à cette immigration et son caractère « quasi géopolitique ». Drogues, prostitution, prise par la force des biens d’autrui, viol de Tunisiennes, assassinats de citoyens tunisiens, nous sommes en présence de l’importation de troubles sociaux et politiques sur le sol tunisien.
Nous avions prévenu de la survenue de tels évènement car cela suit la cinétique du phénomène migratoire avec une jonction entre les réseaux de l’immigration, ceux de la prostitution, ceux de la drogue, ceux des armes à feu et enfin du terrorisme et des guérillas urbaines (El Amra a été le premier exemple). Sans nouvelle stratégie, cela va arriver en Tunisie à court terme, c’est inéluctable.
Il y a une dynamique qui se déploie sauf lorsqu’elle rencontre la force et la fermeté d’un Etat. Désormais, il ne s’agit pas d’un simple maintien de l’ordre, c’est une reconquête du territoire national. Ce que ne semble pas comprendre certains.
Le troisième point que nous avons évoqué il y a un an et demi et qui a été confirmé non seulement par les services de Meloni et ceux du Département d’Etat des Etats-Unis, donc via le renseignement militaire américain, publié dimanche 19 mai, c’est le caractère géopolitique et militaire de l’immigration clandestine africaine en Tunisie.
Ce point précis permet de démolir définitivement l’argument des ONG, associations et tous les media « main-stream » européens sur cette question.
Les services de Meloni se sont inquiétés de la poussée vers la Tunisie de groupes combattants depuis la Somalie, le Soudan et la Libye. Dans cette poussée l’ex milice Wagner, les milices libyennes et des Etats limitrophes sont impliqués.
Les services de Meloni parlent de 100 000 personnes environ.
Il y a un an et demi nous avions souligné deux autres points, qui n’avaient pas été pris en compte par les autorités tunisiennes. Le premier concernant le rôle joué par les parrains de certains Etats ou ceux des milices libyennes frontalières de la Tunisie dans la volonté de submerger la Tunisie par des subsahariens afin de déstabiliser le pays. A cet égard, les services de Meloni parlent de Somaliens et de Soudanais. Les dernières analyses et relevés de presse en Tunisie montrent que nous avons déjà sur le territoire national une avant-garde de ses groupes. Il y clairement des personnes qui peuvent être issues des Shebab somaliens, nous les avons visualisés directement, certains se disent kenyans, mais nous mettons en cause leurs affirmations quant à la véracité de leurs nationalités. Certains sont soudanais et seraient issus des « forces de soutien rapide », liés à la mouvance de l’ex-leader Tourabi et donc aux frères musulmans, ce que soulignent les analyses italiennes.
Un autre point nous indique le franchissement d’un seuil stratégique et le passage du risque criminel vers le seuil de la menace militaire, c’est l’arrivée de la société de mercenaires turque, composée essentiellement de djihadistes syriens, qui vient de prendre pied au Niger sur demande américaine, la fameuse milice « Sultan Mourad ». Elle devient gardienne de la première portière migratoire vers le Nord. Le bassin de Niamey est le plus grand réservoir venant de l’ouest africain.
De l’autre côté, au nord Mali, les principaux acteurs de la submersion migratoire sont dans la mouvance djihadiste et touareg en lien avec l’ensemble de l’arc qui va du Niger au sud jusqu’à la frontière tunisienne. Ces groupes ambitionnent d’agir pour le compte d’un «autrui» politique tunisien et donc contre l’Etat tunisien. Les deux mouvements, celui venant de Libye et celui venant de l’ouest forment des tenailles. Nous comprenons maintenant la trop forte insistance sur Sfax et El Amra : couper le pays en deux et soustraire le sud à l’autorité de l’Etat tunisien prélude à la création d’une tête de pont.
Nous l’avons écrit il y a plus d’un an, nous le soulignons une seconde fois : il y a une menace de qualité militaire, stratégique que le simple maintien de l’ordre sur le sol national ne pourra plus juguler. Là où certains voient de l’immigration clandestine, nous voyons désormais une opportunité offerte à des Etats et des milices pour attaquer la Tunisie et la déstabiliser dans le cadre d’objectif régionaux, soit plus stratégique et continentaux.
Il peut s’agir donc d’un phénomène massif, de dimension continentale, amplifié par des actions d’Etats, d’ONG qui se font les supplétifs de réseaux mafieux et terroristes à la fois avec pour objectif de faire effondrer la Tunisie.
Les services de Madame Meloni craignent clairement une vague de troubles qui remonte chez eux. Autrement dit, désormais des Etats de seconde ligne agissent maintenant ouvertement dans le cadre d’agendas stratégique via les vagues migratoires submersives.
Le calendrier ukraino-russe, mais aussi les élections européennes viennent percuter la situation tunisienne. Certains de ses acteurs n’hésiteraient pas à sacrifier la petite Tunisie si cela devait leur permettre de gagner. C’est une constante de l’histoire. Il suffit de se rappeler le cas du Cambodge durant la guerre du Vietnam.
Ceux qui agissent désormais via ou à travers les vagues migratoires en direction de la Tunisie sont des Etats, avec des stratégies d’Etats. Au premier chef l’Algérie et les proto-Etats en Libye, en arrière-plan la Russie et la Turquie, les Etats-Unis et d’autres.
Les Etats-Unis, la Russie agissent directement dans le cadre d’un schéma subrégional englobant la Tripolitaine et la Tunisie d’un côté, le Niger et la Libye de l’autre. Pour les turco-qataris par exemple, sans un retour d’Ennahdha au pouvoir, ce schéma subrégional via ses sociétés de mercenaires sera inopérant.
On retrouve ici les vieilles connaissances des « funestes » printemps qui voulaient faire de la Tunisie un corridor pour aider au dégagement du pétrole et du gaz libyen vers l’Europe. La fin du gaz russe en Europe donne à ce schéma une rare actualité. Pour le réaliser il fallait affaiblir l’Etat tunisien, le transformer en un Etat-milice sous la férule des islamistes ou un Etat vassal afin que ce schéma ne réussisse pas, c’est l’ambition de l’Algérie.
Le second schéma est celui d’une submersion de l’Europe du sud par une immigration incontrôlée afin d’affaiblir l’Italie d’abord et la France ensuite afin d’affaiblir l’aide à l’Ukraine et accélérer la victoire de la Russie. Ce schéma n’est pas nouveau, rappelons-nous ce qui s’est passé avec les pays Baltes ou avec la Pologne via la Biélorussie.
Combien de temps avant que l’on s’aperçoive que des éléments terroristes et combattants se sont infiltrés déjà en Tunisie pour y mener des actions déstabilisation ? Rappelons-nous les précédents d’opération hyper-terroristes dans le sillage des vagues migratoires vers l’Allemagne.
Ces deux schémas stratégiques, donc militaires, s’appuyant sur l’immigration subsaharienne comme outil pour « déblayer » le terrain et affaiblir la Tunisie pour en faire un corridor, un Puntland de l’Afrique du Nord. C’est le point de rencontre, l’objectif commun de tous les projets depuis le printemps des frères musulmans.
Venons-en à la solution globale économico-diplomatico-humaine proposée par le ministre de l’intérieur devant l’assemblée, c’est une chimère mort-née. La seule est dernière solution est hyper-sécuritaire et militaire.
Face à ce risque il n’y a désormais qu’une seule et unique stratégie : soustraire la Tunisie à ces jeux et lui éviter le sort d’objet de confrontation entre les axes par le biais des vagues migratoires.
Opérationnellement, cette stratégique se décline en un triptyque simple déjà exposé dans l’ensemble de nos tribunes.
D’abord fermeture de toutes les frontières dans le cadre d’une action militaire le long de la frontière de l’ouest et des frontières du sud, de Tabarka à Ras Jedir.
Un cadenassage qui doit être accompagné d’un déploiement d’unités combattantes avec une mise sous tutelle de l’armée de l’ensemble de la gestion frontalière. L’armée sera alors la première ligne et les deux autres gardes-frontières et sécurité territoriales deviennent les forces de soutien de l’armée. C’est une inversion nécessaire du schéma mis en place pour juguler le terrorisme.
En second lieu, il faut instaurer la fin de la libre-circulation sur le territoire national des clandestins sans documents administratifs. Toute personne se doit de posséder un document la rattachant à sa nationalité. En l’absence d’un tel document, il faut imposer une rétention administrative en centre fermé.
L’Allemagne le fait, l’Australie aussi. Il faut soustraire ces personnes de l’espace public. Cela suppose une interdiction totale aux non-frontaliers de franchir les frontières terrestres de la Tunisie.
La mise en place de visa draconien et l’arrêt des lignes aériennes avec les pays pourvoyeurs d’immigration clandestine en Tunisie. Il faut aussi abroger tous les accords de libre-circulation mis en œuvre entre 2011 et 2019.
L’approche globale proposée par le ministre de l’intérieur est un échec avant même sa mise en place. En effet les pays d’origine et les pays limitrophes ont intérêt à l’effondrement de la Tunisie. Les réseaux de l’immigration, de la drogue et de la prostitution ont nécessairement besoin d’un Etat failli, c’est ce qu’ils ambitionnent pour la Tunisie.
Il faut soustraire la Tunisie à cette dynamique dangereuse en militarisant la question de son traitement. Toute autre approche est un aveu d’échec. Cette question doit être désormais du ressort de l’Agence de Renseignement pour la Défense et du ressort de l’armée nationale.
T.B.
Politologue