
- Quand la souveraineté monétaire passe par la maîtrise des paiements électroniques
- La Tunisie : un choix de dépendance assumée alors que Des solutions sont à portée de main pour une Tunisie souveraine ??!!!
- Dans un monde où la monnaie devient numérique, perdre le contrôle de ses paiements, c’est perdre le contrôle de son avenir.
- Il ne s’agit pas de tourner le dos aux standards internationaux, mais de créer nos propres références !!!
Tunis, UNIVERSNEWS (SEF) – Malgré des années de digitalisation bancaire et une modernisation progressive du secteur financier, la Tunisie reste dépendante de deux géants américains des paiements électroniques : Visa et Mastercard. Une emprise discrète mais totale, qui dépasse la simple technologie pour s’enraciner dans nos habitudes, nos institutions… et notre inconscient collectif.
Glisser une carte, composer un code, valider. Ce geste anodin du quotidien cache une réalité bien plus lourde : derrière chaque transaction par carte Visa ou Mastercard, même en dinars et sur le sol tunisien, s’opère un transfert de valeur, de contrôle et, trop souvent, de devises.
Dans un contexte économique sous tension, où la moindre sortie de devises inquiète, la question devient centrale : pourquoi, en 2025, la Tunisie n’a-t-elle toujours pas de carte bancaire nationale ? Pourquoi les autorités financières, les banques et les décideurs ne semblent-ils pas remettre en cause ce modèle imposé ? Et surtout, quel est le vrai coût de cette dépendance – aujourd’hui et pour les générations à venir ?
Cet article propose une enquête critique et documentée sur une domination acceptée, parfois même facilitée, dans un domaine pourtant hautement stratégique : les paiements numériques, c’est-à-dire le nerf du commerce moderne, et demain, de la souveraineté économique.
- Visa et Mastercard : des réseaux mondiaux incontournables
Visa et Mastercard sont des acteurs mondiaux des paiements électroniques, connectant des millions de banques, commerçants et consommateurs. Ils fournissent une infrastructure sécurisée et reconnue pour l’émission et l’acceptation des cartes bancaires, qu’elles soient utilisées localement ou à l’étranger.
Ces réseaux fonctionnent comme des intermédiaires globaux : chaque transaction passe par leurs plateformes, ce qui génère des commissions qui, pour les opérations tunisiennes, se traduisent par un transfert régulier de devises hors du pays.
Le système national : une alternative gagnante, déjà éprouvée dans la région
À l’inverse, plusieurs pays de la région ont choisi de développer des systèmes nationaux de paiement, qui permettent aux banques locales de gérer en interne la majorité des opérations domestiques.
C’est le cas du Maroc, avec son Centre Monétique Interbancaire (CMI), qui offre une carte locale largement utilisée pour les paiements internes sans passer par Visa ou Mastercard. L’Algérie a quant à elle lancé la carte Edahabia, distribuée par la poste, qui fonctionne sur le territoire national. Ces systèmes locaux permettent de limiter les coûts liés aux commissions internationales, de renforcer la souveraineté numérique et d’encourager l’innovation locale.
La Tunisie : un choix de dépendance assumée ?
Alors pourquoi la Tunisie, malgré ses compétences technologiques et une demande croissante, n’a-t-elle pas encore franchi ce cap ? La réponse est complexe et se trouve au croisement des enjeux économiques, politiques et financiers.
Les banques tunisiennes privilégient aujourd’hui le recours aux solutions Visa/Mastercard, qui offrent un service clé en main, reconnu mondialement, avec une gestion simplifiée des risques et une publicité déjà intégrée.
Créer un système national serait un projet coûteux, long et risqué. Avec Visa, tout est prêt, fonctionnel et accepté par nos clients.
Mais ce confort apparent a un coût : chaque transaction locale génère des commissions internationales estimées à plusieurs dizaines de millions de dinars par an, une fuite de devises que le pays pourrait limiter.
Les conséquences économiques et technologiques du statu quo
La dépendance aux réseaux étrangers pose plusieurs risques majeurs :
- Sortie de devises : À chaque paiement par carte Visa ou Mastercard, une commission quitte le pays, impactant la balance des paiements.
- Coûts plus élevés pour les consommateurs : Les frais liés aux transactions, notamment les retraits, sont souvent plus élevés qu’ils ne le seraient avec un système domestique.
- Fragilité du système : En cas de suspension ou de problème technique chez Visa/Mastercard, le système de paiement tunisien se retrouve vulnérable.
- Frein à l’innovation locale : Les startups fintech tunisiennes rencontrent des difficultés à s’intégrer dans ces réseaux fermés, limitant le développement de solutions adaptées au marché tunisien.
- Perte de souveraineté numérique : La Tunisie ne maîtrise pas les règles, normes et évolutions de ses propres systèmes de paiement.
Quelle responsabilité pour les autorités et les banques ?
La Banque Centrale de Tunisie, en tant que régulateur du système de paiement, joue un rôle clé. Pourtant, aucune stratégie claire ne semble émerger à ce jour pour encourager la création d’un système national.
Du côté des banques, la recherche de rentabilité et la volonté de minimiser les risques freinent toute initiative. Elles continuent majoritairement de signer des partenariats avec Visa et Mastercard, préférant la sécurité d’une solution externalisée.
Enfin, le ministère des Finances reste discret sur le sujet, sans mesures d’incitation fiscale ou réglementaire visant à soutenir un projet souverain.
Des solutions à portée de main pour une Tunisie souveraine
L’heure est à l’action. Plusieurs pistes concrètes pourraient être mises en œuvre rapidement :
- Lancer « TNPay », une carte nationale, sécurisée, conçue pour les opérations domestiques, compatible avec les standards internationaux pour garantir l’interopérabilité.
- Créer un réseau domestique de compensation, permettant aux banques tunisiennes d’échanger directement les paiements sans passer par les circuits internationaux.
- Mettre en place un incubateur public-privé fintech, dédié au développement de solutions de paiement innovantes adaptées au contexte tunisien.
- Réviser les règles monétiques de la BCT, notamment en fixant des plafonds de commissions et en favorisant les alternatives locales.