Non, la conquête de Rome n’a pas eu lieu !

Tawfik BOURGOU

  • L’Italie a sciemment mis de côté la France, principal réceptacle de l’immigration clandestine africaine et nord-africaine que les Italiens poussent vers la frontière française en accordant des documents de circulation en nombre
  • Si, la Tunisie s’est engluée dans sa pseudo révolution c’est par la faute de ses gouvernants et de son peuple
  • L’Afrique est la zone la plus pourvoyeuse d’immigrés clandestins, la plus instable, la plus corrompue, celle qui accumule tous les retards. Est-ce la faute à l’ordre mondial. Absolument pas
  • Depuis 2011 à ce jour aucune stratégie n’a été définie. Nous mettons au défi tous les gouvernants, y compris l’actuelle équipe au pouvoir, de nous présenter une seule réalisation

Sauf à faire preuve d’une profonde naïveté ou si on est totalement ignorant des arcanes et des méandres des dissymétriques sommets internationaux (entre pays forts et pays faibles), applaudir le sommet de Rome relève de la flagornerie. 

A lire certains médias et à entendre certains chroniqueurs on croirait que Hannibal a enfin conquis Rome et que l’ordre du monde vient soudainement de changer. Il n’en est rien. Ce fut même un non-évènement dans toutes les largeurs. 

On va s’employer à démystifier la chose.  

D’abord quant à l’organisation de l’évènement, l’Italie l’a offert à la Présidence tunisienne comme une gratification tribunitienne en reconnaissance pour la signature de l’accord de Tunis. Il semble que le président de la République y tenait particulièrement. L’organisation d’un tel sommet après le 15 juillet en Europe, à la limite des vacances diplomatiques, en dit long sur l’intérêt accordé à l’affaire.  

L’Italie a sciemment mis de côté la France, principal réceptacle de l’immigration clandestine africaine et nord-africaine que les italiens poussent vers la frontière française en accordant des documents de circulation en nombre. Emportés par la conquête de Carthage, les italiens invoquent une concurrence avec la France. Mais sur ce point précis la cheffe du gouvernement italien se trompe. La France veut depuis des années quitter l’Afrique qui est un lourd fardeau au regard de ce que ce continent rapporte à la France. L’Afrique c’est moins de 1% des échanges mondiaux.  L’Italie a aussi mis de côté de façon volontaire l’Allemagne qui ne partage que très peu les idées de la Cheffe du gouvernement italien.  

On aura remarqué la présence des Emirats Arabes Unies qui sur demande insistante de l’Italie, a signé un chèque pour un fonds d’aide dont on ne connait pas encore le fléchage, les destinataires. Le trop présent ministre Tajani insiste auprès des Emirats afin de coupler une aide à la Tunisie avec l’aide saoudienne, à propos de laquelle beaucoup de choses peuvent être dites.

Le reste de l’assistance n’a qu’un poids relatif. Un voyage à Rome, même par 40° cela ne se refuse pas. Ça permet d’amortir le choc des discours. 

Globalement le « colloque » ne fut pas conclusif.  

Certains cercles en Tunisie ont applaudi l’allocution très « historisante » du chef de l’Etat tunisien. Les discours n’ont qu’un poids relatif dans l’histoire. Ils ont une influence, si dans la foulée le mouvement des divisions et des corps d’armées suivent les paroles. Sinon, le vent les emportera aussitôt proférés. Rappelons-nous, nous sommes dans la ville du Rubicon. S’il s’était contenté de parler et de franchir seul le Rubicon, sans une armée, il aurait été abattu. 

Qui se souvient du discours de Kennedy devant le mur de Berlin quand il a lancé son fameux « Ich bin ein Berliner » (Je suis un berlinois). Plus personne. La circonstance a été oubliée ce qui est resté c’est la controverse, car un second sens de « berliner » est possible. C’est au choix un beignet ou une saucisse ! C’est la chose qui est restée. Recomposez la phrase et vous aurez une blague de l’histoire !

Examinons scientifiquement justement le fameux discours de Rome.

Il est vrai que les maltais étaient en Tunisie, mais Malte est aujourd’hui en meilleure posture que la Tunisie. Les siciliens furent en Tunisie aussi mais les flux se sont inversés depuis près d’un siècle, soit trois générations. Ceci est une partie de l’histoire qui ne changera rien au rapport de force d’aujourd’hui.  

L’Europe est forte jusqu’à un certain point, elle est riche. Sa responsabilité dans la situation actuelle en Afrique et ailleurs est très relative par rapport aux Etats-Unis, la Chine ou même la Russie. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de le souligner.  

L’Afrique est pauvre, elle exerce une pression démographique sur l’Afrique du Nord et sur l’Europe. Est-ce la faute des pays riches ou de l’Europe ? Non. La spoliation coloniale est aujourd’hui du côté de la Chine, de la Russie et de la Turquie en Libye. L’Europe n’a plus des rapports coloniaux aux richesses. Il faut juste ouvrir un livre de géopolitique. Qui opère dans le pétrole du Tchad ? La Chine, dans le cuivre de la Tanzanie, dans les mines de la RDC, dans l’or de la RCA. 

Si, la Tunisie s’est engluée dans sa pseudo révolution c’est par la faute de ses gouvernants et de son peuple. Si elle s’est affaiblie, a régressé sur tous les plans, si elle a été gangrénée par les mafias de l’immigration, si elle est devenue pourvoyeuse d’immigration clandestine après avoir été enrôlée dans l’envoi de terroristes par les frères musulmans au pouvoir entre 2011 et 2021, c’est par la faute de ceux qui l’ont gouvernée. L’ordre mondial n’est qu’un paramètre, ce n’est pas le facteur unique. 

Les faits sont têtus et les chiffres le montrent. L’écart en termes de développement va encore s’élargir dans les prochaines années. Si on regarde de très près la Tunisie au moment de la fameuse « vertigineuse », tant en attractivité, en capacité, la situation du pays était largement meilleure comparée à aujourd’hui. Là aussi les facteurs de la régression sont internes d’abord.  

Autrement dit, à cause de ce que certains ont pompeusement qualifié de révolution, la Tunisie a lamentablement régressé. Il y a des culpabilités internes, c’est indéniable. Mais chercher dans la situation actuelle des responsabilités historiques, anciennes de près d’un siècle, ou les imputer à un ordre économique mondial est tout simplement ridicule. 

Bien des pays ont subi des guerres plus dévastatrices que celles connues par l’Afrique ou le Maghreb. Ces pays n’avaient aucune richesse énergétique et minière, certains subissent un voisinage complexe, certains se sont hissés à la force des poignets. La Corée du Sud, Singapour sont des exemples suffisamment éloquents pour faire cesser l’habituel concert des pleurs sur l’Afrique et sur les pays pauvres victimes de l’ordre mondial. 

L’Afrique recèle des richesses, détournées par ses élites au pouvoir, l’Afrique n’a pas pu juguler sont explosion démographique. Ce sont les maux primordiaux de l’Afrique. Ce sont des vérités peut être blessantes, mais elles sont plus explicatives de la situation actuelle que l’éternelle cause unique qui revient à tout expliquer par le statut de l’ex-colonisé d’il y a un siècle. 

Entre 1945 et 2023, l’Afrique prise globalement a été la zone qui a le plus bénéficié de l’aide publique au développement venue de l’Europe et du Japon. Elle a concentré à elle seule de plus de 70 à 75 % des sommes allouées. En même temps elle est la zone la plus pourvoyeuse d’immigrés clandestins, la plus instable, la plus corrompue, celle qui accumule tous les retards. Est-ce la faute à l’ordre mondial. Absolument pas.  

Faire tout remonter au passé colonial absolument tout, trois générations après est non seulement une faute d’analyse, mais aussi une faute politique en direction des africains et des maghrébins. 

La situation actuelle, dégradée, le sous-développement, la mauvaise gouvernance, la perte de chance pour les générations futures sont d’abord et avant tout le résultat de mauvaises politiques conduites par de mauvaises personnes, c’est dû d’abord à l’absence de stratégie à tous les niveaux et ce depuis les indépendances, soit depuis plus de soixante-cinq ans. 

Cette remarque sied particulièrement à la Tunisie. Depuis 2011 à ce jour aucune stratégie n’a été définie. Nous mettons au défi tous les gouvernants, y compris l’actuelle équipe au pouvoir, de nous présenter une seule réalisation, une infrastructure structurante, un seul lieu de recherche-développement, des clusters ou tout autre outil d’arrimage à l’économie-monde, quelque chose qui peut retenir une jeunesse diplômée ou non diplômée. Rien n’a été fait depuis douze ans. 

Ce n’est pas à cause de l’ordre mondial.

T.B.   

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