
Tunis, UNIVERSNEWS (Société) – Les jeunes ont un besoin particulier en matière de loisirs et de divertissement pour sortir de la sphère stressante de la vie quotidienne. Ils gèrent leur temps libre au rythme du vide et de l’inactivité. A la question de savoir comment ils occupent leur temps libre et choisissent leurs moyens de divertissement, les jeunes sont unanimes à dire que la liste des choix en matière de loisirs est très pauvre. A quoi donc nos jeunes consacrent-ils leurs loisirs ? Quelles sont leurs habitudes en matière d’activités extrascolaires, de sorties et de vacances ?
Selon leur âge, leur région, leur appartenance à tel groupe social, le type d’études, la taille du ménage, à quoi donc nos jeunes consacrent-ils leurs loisirs ? La tradition veut que les filles et les garçons n’aient pas les mêmes loisirs et divertissements. Les filles ont un choix encore plus restreint que celui des garçons. «Je n’ai pas le temps d’avoir de loisirs» ou «Je n’ai pas les moyens financiers de me divertir»… voilà deux phrases que nous entendons régulièrement.
Voulant sortir avec son ami, Samir n’a pas trouvé où aller. « Je n’ai pas trouvé d’endroit où me divertir faute de moyens », affirme-t-il avec regret. «Alors on se contente de venir nous promener ici au centre-ville. C’est vrai que cela nous change de la routine quotidienne, toutefois ça ne reste qu’une petite promenade. Rien de très enrichissant», ajoute-t-il en expliquant qu’il aurait préféré aller assister à un programme culturel… mais un concert musical exige plusieurs billets de dinars.
Samir n’est pas le seul à regretter ce manque flagrant de lieux de détente. «C’est vrai que cela nous change de la routine quotidienne, toutefois ça ne reste qu’une petite promenade. Rien de très enrichissant», atteste-t-il. « Et si loisirs il y a, cela reste trop cher. Mais que voulez-vous, on se contente de ce qu’il y a», regrette-t-il.
Hédi, lui, aurait aimé aller passer sa soirée dans un salon de thé, mais ça reste au-dessus de ses moyens. Malgré la cherté de la vie, les grandes avenues ne connaissent pas de répit. Les cafés et les salons de thé affichent complets. Il y a de quoi satisfaire tous les goûts quelle que soit la bourse. Alia ne quitte pas la maison. La jeune fille passe tout son temps libre avec sa famille. Même quand elle sort, elle est accompagnée par les membres de sa famille. «Franchement, je trouve inutile qu’on passe des heures et des heures dans un salon de thé, pour remplir ses poumons de la fumée suffocante des cigarettes, manger un petit truc sucré et payer une addition qui sent le brûlé ensuite», témoigne cette jeune fille qui ne semble pas être portée sur les loisirs.
Amina aimerait tant sortir le soir. Mais ses parents ne veulent pas l’accompagner parce qu’ils préfèrent les soirées familiales à la maison. « Mes parents sont très casaniers. Les seules fois où ils sortent, c’est pour aller dans une autre maison, chez mes tantes ou mes grands-parents. Je trouve tout juste le temps de voir un peu la télé avant que ne pointe l’heure de se mettre au lit», raconte-t-elle en indiquant que le manque d’endroits où aller et le coût des lieux disponibles freinent les ardeurs».
Il est vrai que le contexte de la forte inflation est venu chambouler les habitudes des jeunes qui ont modifié leurs loisirs en raison de la hausse du coût de la vie. Ils ne peuvent même pas payer un café ou un thé le weekend. « Ce n’est pas parce qu’ils n’y vont pas qu’ils n’ont pas envie d’y aller, c’est qu’ils ne peuvent pas. Beaucoup de Tunisiens sont souvent empêchés en raison du coût de la restauration. Les prix affichés demeurent élevés et oscillent entre 100 et 200 dinars par personne.
De ce fait, le problème, selon Ali, cadre bancaire, est lié au pouvoir d’achat et à une inadéquation entre revenus et accès aux restaurations. Trop de jeunes n’ont pas la possibilité de bénéficier d’activités récréatives. Il existe aujourd’hui un véritable apartheid entre les classes moyennes, grands consommateurs de loisirs et les enfants des milieux les plus défavorisés, qui ont de moins en moins accès aux structures de loisir et ne se sentent parfois même pas concernés par elles. Et ce phénomène aurait tendance à s’accentuer. Cette tendance, amorcée il y a une dizaine d’années, se renforce depuis deux ou trois ans à une vitesse phénoménale. On se trouve donc face à une situation nouvelle. Toute une population d’enfants qui se retrouve donc livrée à elle-même, réduite à rester chez elle, confinée dans sa fratrie ou avec leurs parents, au lieu de partir à la découverte du monde et des autres. Pour certains jeunes, le temps libre n’existe pas, c’est du temps mort, vide, de la morosité, de l’ennui, de l’oisiveté. (M.S)