
TRIBUNE – «Comprehensive partnership package» : le diable se cache dans les détails

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Blinken vient de confirmer le passage obligé par le FMI
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Quand on regarde les détails de certaines parties, il y une inquiétude qui surgit
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Sous la rubrique renforcement des liens économiques et commerciaux, il n’y a rien de concret
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On demandera les modes 3 et 4 du GATS qui couvrent la libre circulation des personnes et la reconnaissance mutuelle des diplômes
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Éviter les « Hot spots » car ça aboutira à transformer la Tunisie en «gestionnaire» de l’immigration irrégulière européenne
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Une réelle opportunité qui s’ouvre à la Tunisie qui deviendra un hub économique de la région
Par Khelil LAJIMI
Ancien ministre
TUNIS – UNIVERSNEWS A l’issue de la rencontre de Carthage, dimanche 11 juin, la Tunisie et l’UE ont décidé de travailler sur un accord global de partenariat. L’accord vise à renforcer les liens entre les deux partenaires sur la base d’un bénéfice mutuel. Il repose sur cinq piliers : le soutien macrofinancier ; le renforcement des liens économiques et commerciaux ; la transition énergétique verte ; la migration ; les contacts entre les peuples.
Quand on lit de prime abord les thématiques retenues, on ne peut que se réjouir. Mais, comme il y a toujours un mais, quand on regarde les détails de certaines parties il y une inquiétude qui surgit.
Pour l’appui budgétaire, sous la dénomination soutien macrofinancier, et comme je l’ai précisé dans ma précédente tribune le FMI demeure un passage obligé. D’ailleurs le Secrétaire d’Etat Blinken vient de le confirmer en des termes diplomatiques, lors d’une conférence de presse conjointe avec le Ministre des affaires étrangères italien Tajani hier (lundi 12 juin) à Washington.
Sous la rubrique renforcement des liens économiques et commerciaux il n’y a rien de concret. Deux anciens projets en cours et de vagues déclarations (identification de projets d’infrastructure, possible soutien à un accord d’investissement et un forum sur l’investissement). Parmi les projets en cours, il y a explicitement la « signature de l’open sky ». C’est un projet qui traîne depuis 2008. C’est réellement une opportunité pour demander l’appui à la restructuration de Tunis-Air, la mise à niveau de nos infrastructures aéroportuaires et de l’autorité de l’aviation civile. En des termes plus techniques, il faudra demander la reconnaissance mutuelle avec l’EASA (European Union Aviation Safety Agency) pour permettre aux tunisiens détenteurs de licences nationales (pilotes, mécaniciens et contrôleurs aériens) de pouvoir travailler dans les pays de l’UE.
On pourra demander, dans cette même rubrique, l’établissement d’une Union douanière avec l’UE. Nous sommes actuellement en Zone de libre-échange et le projet de l’ALECA est déséquilibré. L’Union douanière favorisera plus les IDE et préparera la prochaine étape d’intégration au marché commun. Du côté des services on demandera les modes 3 et 4 du GATS (les accords sur les services de l’OMC) qui couvrent la libre circulation des personnes (sous certaines conditions au départ) et la reconnaissance mutuelle des diplômes (une ouverture pour les jeunes). C’est un projet d’intégration économique de long terme.
La transition énergétique verte et les contacts entre les peuples sont les deux parties du projet d’accord les plus avantageuses pour la Tunisie. En effet, l’objectif de l’accord énergétique nous permettra d’intégrer le marché commun de l’électricité et d’y exporter notre électricité solaire et, les contacts entre les peuples ouvriront les portes à nos étudiants pour bénéficier des échanges dans le cadre d’Erasmus.
Pour la partie migration je demeure prudent. Les termes du projet ne sont pas précis, à part les 105 millions d’euros de soutien financier qui à mon avis renforceront les capacités d’intervention de nos gardes côtes. Il va falloir absolument éviter les « Hot spots » car ça aboutira à transformer la Tunisie en « gestionnaire » de l’immigration irrégulière européenne. La Tunisie a ses valeurs, elle a aboli l’esclavage en 1846 par Ahmed Bey. Et ce n’est pas aujourd’hui que nous allons commencer à signer des accords pour recevoir des aides sur le dos de malheureux africains qui ont fui les misères de leurs pays. Le problème de l’immigration irrégulière est plus global. Et la solution ne peut être que globale pour autant que l’on y mette de la volonté.
Le projet d’accord sera présenté au prochain Conseil européen (des Chefs d’Etats et de Gouvernements) qui se tiendra les 29 et 30 juin prochains. Le Commissaire européen chargé de la politique de voisinage (il sera à Tunis ce vendredi) et le Ministre tunisien des affaires étrangères sont chargés de préparer conjointement ce projet. Pour la Tunisie il s’agit de bien négocier cet accord.
C’est une réelle opportunité qui s’ouvre à la Tunisie pour garantir son ancrage irréversible à l’espace européen. Elle constituera une base pour augmenter les flux d’affaires avec l’UE et l’ensemble des pays limitrophe. La Tunisie deviendra un hub économique de la région. C’est une vision d’avenir pour notre pays et notre jeunesse.

