Dans un contexte mondial marqué par une course à l’attraction des expatriés, notre pays peut valoriser ses atouts pour surfer sur cette vague et booster son économie. La Tunisie a adhéré de grés ou de force à l’arsenal législatif anti-blanchiment du GAFI y compris le programme BEPS de l’OCDE, si l’intention déclarée est de prévenir l’évasion fiscale entre les pays, la conséquence immédiate est de nous amener à communiquer de manière systématique aux Etats étrangers toutes les informations financières et fiscales relatives aux non-résidents qui investissent dans notre pays pour faciliter le contrôle fiscal dans leurs pays de résidence.
Dans cette guerre effrénée que se livrent les pays autour de la résidence fiscale, il faudra agir plutôt que de subir. Comment saisir l’opportunité d’inverser la roue en mettant en place toute une stratégie d’expatriation des investisseurs étrangers en particulier et des personnalités disposant de talents en général.
Cette stratégie pourrait être la contre-offensive à même de freiner la vague de départ des compétences et inverser le sens du flux migratoire. “La fuite des cerveaux” ne sera plus une fatalité mais un phénomène sociétal qui sera exploité pour booster la croissance économique
Pourquoi pas un statut de « Visa Gold tunisien » ?
Une résidence de longue durée entre 5 et 20 ans pourrait être accordée à ceux qui investissent ou placent en Tunisie des fonds importants et à ceux qui ont des compétences reconnues dans les domaines scientifiques ou technologiques ; les adhérents au programme de VISA Gold pourraient bénéficier des avantages suivants :
- Une procédure administrative allégée d’octroi du permis de séjour gérée par un service VIP et fortement digitalisée ;
- Une prise en charge totale des aspects logistiques par une administration dédiée (accueil à l’aéroport, formalités de douanières rapides pour l’importation des biens personnels et facilitations du transport) ;
- Un accès privilégié aux soins médicaux à travers la conclusion de conventions particulières avec des cliniques privées ;
- Suppression de l’autorisation du gouverneur pour l’acquisition d’une résidence principale.
La situation actuelle est toute autre, on peut déplorer pas mal d’obstacles à titre d’exemples :
- L’avis de change N° 3, un texte vieux de 35 ans, considère un étranger qui séjourne en Tunisie durant deux ans et plus comme résident en matière de change et entraîne de facto la reconversion en dinars de tous ses avoirs en devises ;
- Une carte de séjour provisoire est délivrée à l’étranger en attendant l’obtention du permis de séjour définitif, qui tarde souvent au point où le délai de la carte de séjour est dépassé ce qui met le résident en situation irrégulière.
- L’acquisition d’un logement est soumise à l’autorisation du gouverneur, cette formalité lourde en documents à produire, prend en pratique entre 6 mois et une année sans que l’on puisse savoir les raisons de ce retard ;
- L’importation en franchise de taxes des effets personnels et de la voiture personnelle est réservée aux salariés des entreprises totalement exportatrices ;
- En cas de départ, l’obtention du quitus fiscal est indispensable pour rapatrier ses biens personnels et dans la pratique l’obtenir est un véritable parcours du combattant qui laisse un goût amer chez les expatriés.
En mettant en place une politique de Visa Gold, on pourrait raisonnablement attirer plus de 800 000 expatriés dans les cinq prochaines années, avec des retombées économiques importantes en termes d’expertise professionnelle, de rentrée de devises et d’investissement de délocalisation.
On peut citer à titre d’exemple la Thaïlande, qui a mis plusieurs types de visa pour les travailleurs à distance dit « Nomades numériques ».Dans ce cadre, Pieter Levels, qui dirige le site Nomadlist.com, estime que ce type de travailleurs dans le monde représentera 1 milliard de personnes d’ici 2035. Ce que confirme le cabinet de conseil Global Workplace Analytics spécialisé en télétravail, qui estime que 25 à 30 % de la main-d’œuvre travaillera à domicile plusieurs jours par semaine d’ici la fin de l’année.
Nous pouvons mettre en place des SMART Visa destinés aux travailleurs, dans les technologies de l’information, mais également des startups Visa pour ceux qui participent à des programmes d’innovation et d’incubation en Tunisie.
Les atouts de la Tunisie sont nombreux, il s’agit de :
- La proximité géographique de l’Europe ;
- Le climat agréable sur une bonne partie de l’année ;
- La qualité des infrastructures de télécommunication et la disponibilité des espaces de coworking dans plusieurs quartiers des affaires ;
- Le taux de pression fiscal relativement favorable par rapport aux pays développés ;
- Le niveau des prix abordable en comparaison avec plusieurs capitales européennes (Tunis a été classée comme la quatrième ville la moins chère en monde, selon un rapport publié en décembre 2021 par The Economist intelligence Unit) ;
- La disponibilité de prestataires de technologie de l’information, ce qui permet des sous-traitances et des partenariats.
Le nouveau mode de vie va façonner l’exercice du travail dans le monde. De ce fait, seuls les pays qui sauront adapter leurs règles juridiques et économiques pourront attirer le capital humain de haut niveau.
Selon le site spécialisé Nomadlist, en 2035, la population mondiale sera d’environ 9 milliards, dont 6 milliards de travailleurs, 50% d’entre eux -soit trois milliards- seront des travailleurs indépendants et 1 sur 3 d’entre eux seront des travailleurs à distance.
Nous devons ne pas rater l’occasion de capter les flux transfrontaliers par des politiques favorables aux personnes de talent, aux entrepreneurs et aux détenteurs de capitaux.