Tawfik BOURGOU*
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Deux personnes qui ne connaissent rien de la Tunisie, viennent de demander à l’Administration Biden, de livrer la Tunisie à une coalition algéro-italienne afin « que toute la région ne sombre dans l’insécurité »
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Il y a très certainement un plan américain pour la Tunisie… construit dans le cadre d’un contact assez poussé avec… les renseignements italiens très actifs en Tunisie
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L’ingérence américaine dans les affaires de la Tunisie et la nuée d’ONG et de Think-tanks sont une sorte de mini-nakba, un processus d’effondrement qui n’arrête jamais
TUNIS – UNIVERSNEWS – Sabina Heinberg et Sarah Yerkes sont deux lobbyistes américaines grimées en analystes, appartenant à la nébuleuse « grise » de Washington, de ces Think-tanks qui sont à la lisière du monde du renseignement et de la guerre. Ces officines produisent des lectures pseudo scientifiques, généralement annonciatrices d’interventions militaires, de révolutions colorées ou de funestes « printemps ».
Ces deux personnes qui ne connaissent rien de la Tunisie, viennent de demander à l’Administration Biden, de livrer la Tunisie à une coalition (politico-militaire) algéro-italienne afin disent-elles : « Que toute la région ne sombre dans l’insécurité ».
Bien évidemment ces deux dames ont commis leur brûlot depuis Washington, elles ne connaissent rien de la Tunisie, sauf à s’y être rendue pour entendre les représentants de l’islam politique, seuls amis de Washington, probablement sur conseil du tuniso-américain lobbyiste à Washington, nous préférons taire son nom, il se reconnaitra. Ce dernier n’a en réalité milité que dans les couloirs du Département d’Etat, guère plus, il a susurré les multiples fariboles et autres fantasmes qui peuplent leur rapport.
Ce que ces deux dames proposent n’est pas si nouveau. Dans l’une de ses dernières interviews, l’actuel ambassadeur des Etats-Unis à Tunis avait, il y a environ un mois et demi, affirmé que les Etats-Unis coordonnaient avec l’Italie du parti-néofasciste concernant la situation de la Tunisie.
Pourquoi les deux lobbystes Heinberg et Yerkes ont ajouté l’Algérie ? La réponse est claire, l’Algérie a été proposée par les lobbystes islamistes à Washington. En effet, il était de notoriété publique que l’Algérie était d’abord protectrice du parti Ennahdha et garante de la sécurité personnelle de Rached Ghannouchi. Ainsi quand les deux lobbystes proposent un plan algéro-italien d’intervention en Tunisie, c’est un jeu clair inspiré par des réflexions à voix haute non seulement dans les officines du renseignement à Washington et probablement dans le cadre d’échanges d’analyses avec les italiens, car Washington considère que la Tunisie est désormais dans la sphère d’action de l’Italie.
Ceci n’est pas nouveau. En effet, le 7 novembre 1987 s’est fait en coordination avec les services de renseignement italiens et les Américains via les bases américaines en Italie. D’ailleurs, il était de notoriété publique que si le coup du 7 novembre 1987 avait échoué, un avion devait conduire les familles et les putschistes en Sicile avant leur exfiltration vers les Etats-Unis.
L’apparition de Heinberg et de Yerkes à ce moment précis n’est pas fortuite. Il y a très certainement un plan américain pour la Tunisie, il est certain que ce plan a été construit dans le cadre d’un contact assez poussé avec les italiens, spécialement les renseignements italiens très actifs en Tunisie et en Libye. En évoquant l’Algérie, les deux Américaines font semblant de penser à voix haute, il est vraisemblable que les américains tentent de jouer la carte d’Alger, comme jadis ils avaient joué la Syrie au Liban.
Dans ces milieux, rien ne s’écrit par hasard.
Voilà à quoi a conduit le processus de la ridicule « brouette » sous l’égide de Washington et la nuée d’ONG de Think-Tanks américains, de l’armée d’islamistes, de lobbyistes payés sur fonds du Qatar. Clairement un mandat, une mise sous tutelle algéro-italienne. On laisse à chacun le temps d’apprécier à leurs justes intérêts les éléments que nous avançons.
Les deux lobbyistes justifient la quasi-colonisation de la Tunisie et donc sa libanisation par le risque que peut représenter la Tunisie pour la région. Un tel niveau de bêtise, d’incompétence, d’ignorance ne surprend guère des milieux dits de la « recherche » (je ne sais pas si on peut l’appeler encore ainsi) washingtonienne. Ce que ces gens font est tellement loin de toute probité scientifique qu’on eût dit qu’ils ont un fusil d’assaut dans une main tandis que l’autre main tape frénétiquement sur un clavier un fond de pensée belligène.
Alors et afin qu’on rappelle à ces deux dames ce que les interventions américaines ont apporté de bien et d’utile, nous leur renvoyons le cas de la Libye et sa destruction par une action conjointe des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France sous Sarkozy. Est-il nécessaire de leur rappeler à toutes les deux que la Tunisie était en meilleure situation avant le fameux printemps ?
Lisez mesdames, ça ne peut que vous faire du bien. Devons-nous juste leur opposer la démolition méthodique, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité américains en Irak ? Connaissent-elles le cas de la prison d’Abu Gharib ou faut-il qu’on puisse leur projeter le film d’une honte militaire monumentale ?
Serait-il utile de rappeler le cas syrien, le cas yéménite. Ont-elles oublié l’ordre donné par Madame Clinton à l’Arabie Saoudite d’intervenir à Bahreïn afin de tuer dans l’œuf tout changement de régime ?
L’ingérence américaine dans les affaires de la Tunisie, la nuée d’ONG et de Think-tanks est une sorte de mini-nakba, un processus d’effondrement qui n’arrête jamais. Avec une régularité d’un métronome, depuis ce janvier 2011, depuis qu’ils sont entrés dans le décor, c’est une suite de problèmes sécuritaires qui pour certains commencent à ressembler à ces processus d’avant déflagration que connaissent tous les pays où les Etats-Unis ont eu à intervenir à un moment particulier de leur histoire. Tous ces pays ont fini par s’effondrer. Tous sans exception aucune. Nous les mettons au défi d’apporter ne serait-ce qu’un seul cas positif depuis 1945 à aujourd’hui en dehors de l’Europe.
Contrairement à ce que pensent ces deux lobbyistes, tous ces pays sont passés par une phase de dévastation, de destruction des cadres sociaux, tous se sont effondrés économiquement, aucun de ces pays n’est devenu une démocratie. Dans les cas récents tous se sont effondrés.
Depuis 2011 la Tunisie connaît un processus similaire, paradoxalement, jamais la Tunisie n’a dépensé autant pour la sécurité intérieure, jamais elle n’a dépensé aussi peu pour l’éducation, mais elle se réveille sous invasion subsaharienne alors que 300 000 de ses enfants, tunisiens de souche, quittent le système scolaire, elle se réveille enrôlée dans le terrorisme à travers l’action d’un Etat supplétif des Etats-Unis, elle se réveille avec une économie effondrée et une industrie totalement évaporée.
De quelle sécurité régionale peuvent parler ces deux lobbyistes ? Ce sont les catastrophes aux frontières, causées par l’action de leur pays, les Etats-Unis qui nous libanisent et non l’inverse.
Après un Américain tatoué sorti de nulle part, douteux financeur du football, lui aussi dans la zone grise entre la politique et le business, s’improvisant connaisseur de l’histoire tunisienne, vient de l’autre côté de l’Atlantique pour distribuer aux Tunisiens leur patriotisme, voilà que deux sombres Américaines viennent demander purement et simplement la recolonisation de la Tunisie par une coalition italo-algérienne.
T.B.
*Politologue