
- La nouvelle législation du chèque n’a pas pour le moment d’impact sur la masse monétaire en circulation, et la hausse des derniers mois est normale compte-tenu de l’inflation
- Les Tunisiens ne sont pas encore habitués à la nouvelle réglementation du chèque et n’ont pas encore changé leurs habitudes, mais ça va venir
- Le taux de bancarisation ne va pas s’améliorer avec les nouvelles procédures et la solution n’est pas dans les cartes de crédits qui coûtent très cher
Tunis, UNIVERSNEWS (SEF) – L’expert en économie et membre du bureau exécutif de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT) Chakib Ben Mustapha a déclaré que contrairement à ce que la majorité des Tunisiens pensent, l’augmentation de la masse monétaire n’est pas le résultat de la nouvelle législation sur les chèques ou la révision de la législative relative au paiement en espèces : « Si nous examinons les chiffres au plus près, nous constatons que l’évolution de la masse monétaire au cours des douze mois de l’année 2024, est d’environ 7,2% alors que l’inflation est aux alentours de 7%, à la même période, et cela signifie que l’augmentation de la masse monétaire a, tout simplement suivi l’inflation. », a-t-il expliqué.
Pas d’explosion monétaire pour le moment
Il a en outre indiqué que la nouvelle législation du chèque n’a pas pour le moment d’impact sur la masse monétaire en circulation, avant d’estimer que la hausse constatée au cours des derniers mois est normale compte-tenu de l’inflation.
Selon lui, il n’y a pas eu, pour le moment, cette explosion monétaire à laquelle on s’attendait tout mais il faut continuer à suivre cela au cours des prochains mois : « Il y aura certainement un impact, mais pas pour le moment et c’est, probablement, la raison pour laquelle la Banque Centrale est encore prudente concernant sa politique d’intervention, notamment celle relative au taux d’intérêt directeur qui est resté, depuis plusieurs mois, inchangé malgré la régression de l’inflation », a-t-il assuré.
Ben Mustapha n’a pas toutefois écarté le fait que la nouvelle réglementation aura un impact, mais que l’impact n’est, pas jusque-là, significatif, pointant de doigt un problème de mentalité : « Les Tunisiens ne sont pas encore habitués à la nouvelle réglementation du chèque et n’ont pas encore changé leurs habitudes par rapport aux moyens de paiement, mais ça va venir», a-t-il dit.
Revoir le coût des services bancaires
L’expert en économie a dénoncé par ailleurs le coût excessif des commissions bancaires : « Il n’est pas normal, que les banques prélèvent aujourd’hui une commission de 3% sur les opérations effectuées par les vendeurs », a-t-il assuré, mettant en garde contre la conséquence de cette pratique qui mènera jusqu’à abandonner les cartes de paiement : «C’est bien que nous ayons digitalisé le chèque et que nous utilisons les autres moyens de paiement, mais il faut faire en sorte aussi d’adapter le système pour que ces moyens de paiement soient aussi à la portée des citoyens, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui», a-t-il encore dit.
Il a averti contre le risque de voir les citoyens et les petites entreprises qui sont équipées par cartes de paiement sortir du système à cause de ces commissions exorbitantes exigées par les banques sur chaque opération de vente.
Une marche doublement en arrière
« Aujourd’hui, nous sommes en train de faire une marche doublement en arrière par rapport à cette politique de décashing initiée par l’Etat tunisien depuis l’année dernière. Le premier pas en arrière est l’élimination du processus de décashing avec la suppression de l’incrimination de la détention de montants en espèces égaux ou supérieurs à 5 000 dinars et la seconde est la nouvelle législation du chèque : «C’est comme si tout est fait pour qu’on revienne en masse vers le paiement en espèces», a souligné Ben Mustapha, avant d’expliquer que seulement 1/3 des Tunisiens sont bancarisés alors que le reste ne l’est pas : « Le taux de bancarisation ne va pas s’améliorer avec les nouvelles procédures. D’ailleurs, la majorité estime que la solution est dans les cartes de crédits, mais malheureusement celles-ci, non seulement, coutent très cher mais sont aussi réservées aux clients bancarisés seulement. Les personnes qui ne sont pas bancarisées seront exclus », a-t-il encore averti.
Baisse significative des transactions par chèque
Selon les données de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), les billets et monnaies en circulation ont affiché un cap historique jamais atteint en Tunisie. A la date du 28 février 2025, ils ont atteint la valeur de 23,3 Milliards de dinars contre 21,2 Milliards de dinars à la même période de l’année dernière, atteignant ainsi 2,1 Milliards de dinars.
La plupart des experts en finances ont expliqué cette hausse par l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation du chèque, laquelle a entrainé une baisse significative des transactions par chèque au détriment du cash. En effet, au 25 février 2025, seulement 19 Mille chèques ont été traités, et moins de 1400 chèques ont été passés par la nouvelle plateforme, soit moins de 10 % du total des chèques télé-compensés.