TUNIS – UNIVERSNEWS – La consommation d’antibiotiques ne cesse d’augmenter en Tunisie. Selon une étude réalisée par un groupe d’experts américains, la Tunisie est le deuxième consommateur mondial d’antibiotiques derrière la Turquie, ladite étude a été réalisée sur une période de 15 ans et a concerné 76 pays. La découverte des antibiotiques, en particulier, a constitué un extraordinaire progrès qui a permis de prolonger la durée de vie des êtres humains.
Cette formidable invention est aujourd’hui victime de son succès: la résistance aux antibiotiques devient progressivement un problème majeur de santé publique dans le monde entier. D’où la nécessité de sensibiliser aux dangers d’une consommation excessive de ces médicaments sur le système immunitaire, appelant à éviter la surutilisation des antibiotiques et l’automédication. Comme l’a précisé Riadh Daghfous professeur de pharmacologie à la faculté de Médecine de Tunis et directeur général du Centre national Chalbi-Belkahia de pharmacovigilance
- Universnews: Trop d’antibiotiques sont encore consommés de manière générale, souvent de manière inadéquate. Pourquoi les Tunisiens consomment-ils autant d’antibiotiques ?
Dr Riadh Daghfous: La Tunisie fait partie des pays les plus grands consommateurs d’antibiotiques et les causes de cette surconsommation me semble multiple avec en premier lieu l’automédication et en particulier la prise d’antibiotiques lors d’infections virales, qui reste par ailleurs le plus souvent inutile. Il y a également la pression que subit le prescripteur par le patient qui attend toujours une ordonnance à la sortie de la consultation. Mais c’est aux antibiotiques. Il y a également, ce qui constitue aussi un facteur déclenchant de la résistance.
- Quels sont les effets secondaires des antibiotiques ?
– Chaque antibiotique a des effets secondaires qui lui sont propres. Les plus fréquents restent les troubles digestifs et l’allergie avec une gravité variable, mais il faut préciser que les antibiotiques peuvent entraîner des effets secondaires touchant n’importe quel organe de notre organisme (foie, rein, système nerveux…).
Ils peuvent exposer les femmes à la survenue d’une mycose vaginale à cause du déséquilibre de la flore microbienne qu’ils peuvent provoquer. La consommation abusive des antibiotiques représente l’un des principaux facteurs responsables de l’augmentation des résistances bactériennes.
De très nombreuses méthodes de traitement modernes, pour lesquels les antibiotiques sont indispensables, seront –elles compromises (entre autres les interventions de chirurgie cardiaque, les implantations de prothèses de la hanche, les transplantations d’organes, le traitement intensif de la leucémie et des tumeurs solides).
Plus on prend d’antibiotiques, plus le risque s’accroît de faire émerger des bactéries résistantes qui rendent les traitements antibiotiques ultérieurs moins efficaces pour le patient et pour la collectivité. Ainsi, l’utilisation de ces différentes techniques qui nécessitent une bonne couverture antibiotique peut se retrouver limitée par l’émergence de ces résistances.
- Les antibiotiques sont-ils nécessaires chez l’enfant ?
– La prescription des antibiotiques chez l’enfant est bien entendu nécessaire dans le traitement curatif de plusieurs types d’infections bactériennes (confirmées) mais leur utilisation pour la prévention d’une infection bactérienne n’est justifiée que dans de très rares cas.
Ainsi, chez un enfant en bonne santé qui présente une infection virale probable, les antibiotiques ne doivent pas être utilisés. Ils sont dans ce cas, non seulement inefficaces, mais peuvent s’avérer dangereux.
- Comment remédier à l’usage excessif des antibiotiques ?
– Il faut investir dans la prévention des infections, ce qui pourrait diminuer la nécessité de prescrire des antibiotiques. Ceci concerne par exemple :
– Encourager les vaccinations ou le recours à des prophylaxies de courte durée dont l’utilité a été démontrée.
– Investir dans la qualité du diagnostic qui permet de cibler au mieux le pathogène afin d’éviter des prescriptions d’antibiotiques inutiles ou inefficaces (cas d’infection virale).
– Mettre en place de protocoles thérapeutiques validés pour le traitement des infections courantes.
– Former et informer le personnel de santé et du public sur l’antibiothérapie rationnelle.
M.S