Tawfik BOURGOU*
-
La déclaration du chef de la minorité arabe ayant appelé à voter Trump en dit long en raison de l’identité des secrétaires d’Etats tous anti-arabes
-
Il serait erroné de croire en une différence fondamentale entre les républicains et les démocrates dans l’action internationale des Etats-Unis
-
Fidèles à leurs habitudes, les Perses, après avoir utilisé des Arabes chiites ou pas, vont les proposer sur un plateau pour s’ouvrir une voie de négociation avec les Américains
-
L’Iran a été derrière l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, juste pour améliorer les conditions de ses négociations avec l’Occident, sans plus
-
Moscou lâchera l’Afrique, qui n’a jamais été une terre de conquête pour les Russes, ni pour les Soviétiques avant eux d’ailleurs
-
La Chine sera accaparée par la compétition stratégique avec les Etats-Unis et ne se lancera pas dans une aventure africaine, arabe ou même limitée à quelques investissements
TUNIS – UNIVERSNEWS – A divers degrés beaucoup, béatement et naïvement, ont espéré l’élection de Kamala Harris pour sauver les meubles et feindre de croire que ce que Madame Harris aurait fait serait fondamentalement différent de ce que Monsieur Trump va faire.
Ces derniers jours, il y a comme un goût amer chez les représentants de la minorité des Arabo-américains à l’encontre du président réélu Trump. La déclaration du chef de le minorité arabe ayant appelé à voter en faveur de Trump en dit long notamment en raison de l’identité des secrétaires d’Etats tous violemment anti-arabes et ouvertement pour une éradication des Palestiniens. Comme tous les Arabes, ceux qui sont citoyens américains, comme ceux du reste du monde arabe croient naïvement, à chaque élection américaine en une réorientation de la politique américaine au Moyen-Orient. Mais la seule différence entre les républicains et les démocrates ne se situe que dans le style. Car globalement, les administrations américaines, ont avec le monde arabe, un rapport régulier et perpétuel, semblable à celui qu’entretenaient les autorités des Etats ségrégationnistes du sud des Etats-Unis avec leurs minorités : condescendant, désobligeant, méprisant et globalement irrespectueux. Mais en plus le monde arabe se distingue par une forte appétence américaine pour l’usage de la force et des ingérences destructrices.
De fait, plus généralement, il serait erroné de croire en une différence fondamentale entre les républicains et les démocrates dans l’action internationale des Etats-Unis. De George Buch père à ce jour, les Etats-Unis ont agi de façon continue, selon les même fondamentaux, les mêmes objectifs avec la volonté d’aboutir toujours à un objectif central : maintenir le leadership des Etats-Unis. Seuls les chemins pour y parvenir ont parfois changé. Le « USA first » ne date pas de Trump.
Ce qui est intéressant depuis le 7 novembre est le rapide et profond réalignement de tous derrière la stratégie américaine telle qu’elle a été énoncée par Trump, qui ne remet pas en question l’axe principal : « USA first », mais qui a pour objectif de débarrasser les Etats-Unis de quelques « cailloux dans la chaussure » pour ne se consacrer qu’à son objectif majeur : maintenir la distance avec la Chine, seule menace stratégique pour les Etats-Unis. Car tout le reste est marginal, rapporté à l’objectif unique : se maintenir comme la première puissance. Parmi les cailloux, le Moyen-Orient.
Première conséquence, c’est la course de tous pour prendre le train de Trump avant qu’il ne quitte le quai. Avant même que « Trump II » ne soit investi, que la liste de ses secrétaires d’Etat ne soit approuvée par le Sénat, tout ce que la planète comptait hier de « courageux » anti-trumpistes et de Kamala-idolâtres, ont été saisis d’une soudaine envie de tourner la veste et d’annoncer leur disponibilité à accepter les injonctions que Trump répétait comme des mantras dans ses meetings électoraux.
Le premier des pays annonçant sa nouvelle « foi » trumpiste n’est autre que la République islamique, chiite, d’Iran. Fidèles à leurs habitudes, les Perses, après avoir utilisé des Arabes chiites ou pas, vont les proposer sur un plateau pour s’ouvrir une voie de négociation avec les Américains. Nous l’avions souligné dès octobre 2023, l’Iran a été derrière l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, juste pour améliorer les conditions de ses négociations avec l’Occident, sans plus. L’Iran comme tous les pays arabes, a utilisé les palestiniens, les libanais, bientôt il lâchera Bachar El Assad. Avant même l’élection de Trump les iraniens et un conseiller de Trump s’étaient rencontrés à Washington pour envisager la suite. Libanais, palestiniens, houthis et ceux qui se sont convertis à l’illusion de la puissance iranienne peuvent apprécier à sa juste valeur la diplomatie souterraine de l’Iran.
Après les chiites, c’est un concert de bonnes intentions arabes sunnites, saoudiennes, émiraties et, bien sûr, qataris. Il est vrai que le Monde arabe à a été ravagé par les démocrates américains de Barak Obama à Biden, les interventionnistes américains laissent des souvenirs exécrables, sauf chez les riches arabes, qui comme le Qatar ont financé la destruction de la Tunisie et de la Libye ou la Syrie. Pro-islamistes, défavorables au maintien des Etats post-coloniaux dans le Monde arabe et au Maghreb, les démocrates américains laissent un champ de ruines comparable à la démolition de l’Irak par Bush fils. Une remarquable régularité, peut importe la couleur politique, démocrate ou républicaine.
Mais quelques nuances sont à souligner, les pays arabes riches et le Maroc se pensent gagnants avec le retour de Trump. Eux aussi ont déjà mis un pied sur le marchepied et un autre dans la porte pourvu que le nouveau maitre soit content, peu importe les chèques qui devaient être signés. Fidèle à son habitude, le Qatar sentant le vent tourner, a quitté la table des négociations israélo-palestiniennes. Il vaut mieux attendre les nouveaux ordres de Washington.
Soulagé par l’arrivée de Trump, la Russie s’est d’ores et déjà engagée à lâcher la pression dans la périphérie si on lui laisse le bénéfice des territoires conquis en Ukraine, malgré l’annonce de Biden concernant l’usage des missiles américains contre le territoire russe. Déjà en Syrie, les Russes ont interdit le transfert d’armes via le territoire sous contrôle de Bachar Al Assad en faveur du Hezbollah. C’est le fruit d’une médiation israélienne entre Moscou et l’équipe de Trump. Bien sûr, la question palestinienne est le dernier souci de Poutine. Les pro-Poutine dans le monde arabe et au Maghreb ont peut-être commencé à saisir le « deal » et la profondeur de leur bêtise à emboiter le pas au Maitre du Kremlin.
Pressé par la campagne électorale, le chancelier allemand s’est fendu d’un coup de fil à Poutine. Une hypothétique réélection vaut bien un appel. L’allemand a cru placer un pion en direction de Moscou. C’en est fini de la fausse unanimité européenne. L’Europe acceptera les annexions des territoires ukrainiens conquis par Poutine, c’est inéluctable. La situation de l’Ukraine ressemble ces jours-ci à celle de la Tchécoslovaquie d’avant deuxième guerre mondiale.
Pendant ce temps une frayeur a traversé le camp de ceux qui croyaient bêtement que les BRICS allaient être l’alliance majeure en capacité de faire trébucher les Américains, qu’ils seraient sauvés par Moscou, Pékin, Téhéran.
Moscou lâchera l’Afrique, qui n’a jamais été une terre de conquête pour les Russes, ni pour les Soviétiques avant eux d’ailleurs. L’ex-milice Wagner va s’évaporer et les armées africaines seront condamnées soit à s’effondrer soit à espérer le retour des armées européennes qui ont globalement tourné la page de l’Afrique. La Chine sera accaparée par la compétition stratégique avec les Etats-Unis et ne se lancera pas dans une aventure africaine, arabe ou même limitée à quelques investissements. Les pays de l’Afrique subsaharienne qui ont très vite fêté la fin de la présence française et européenne vont se trouver en panne de tout.
L’essentiel de ce que la Chine fera en Afrique du Nord a été posé au Maroc, sans certitudes de viabilité car, les investissements chinois au Royaume Chérifien dépendent des futurs accords commerciaux avec l’Union Européenne, ceux de la Chine et ceux du Maroc. Le Maroc permettait à la Chine de contourner les quotas européens.
Il est vraisemblable que le volume des aides américaines à travers le monde va diminuer, y compris les aides militaires. Corrélativement l’Union Européenne, traversée par une crise de la dette et par une crise industrielle structurelle, va se pencher sur ses propres problèmes, doit composer avec une Amérique conquérante et à l’appétit vorace. Déjà Van De Leyen a préféré devancer l’appel en rappelant à Trump que l’Union Européenne achète le gaz de schiste américain. Sans doute a-t-elle oublié les armes aussi. L’UE, les pays européens seront accaparés au moins pendant deux ans par les nouvelles relations avec les Etats-Unis. Le reste du monde sera bien loin et sans importance stratégique.
Le retour de Trump à la Maison Blanche, ne sera pas plus dangereux pour les pays de la périphérie qu’une l’élection de Harris et donc le maintien des démocrates. Les relations avec cette périphérie, notamment avec le monde arabe, sont marqués par une dramatique régularité peu importe l’administration du moment : vassalisation, usage de la force, guerres, ingérences, destructions et effondrements. Personne ne peut espérer une amélioration.
Le mérite de Trump s’il devait en avoir un, il est plus direct et moins hypocrite que les démocrates. Cela pourrait même être considéré comme une vertu au regard de ce qui a été fait avec le sourire démocrate, dans certains pays, par l’administration Obama et poursuivi par celle de Biden.
T.B.
* Politologue