Tawfik BOURGOU
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Cette guerre révèle le rôle néfaste du Qatar financeur des frères musulmans, vassal et supplétif des Etats-Unis
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L’Emirat de Tamim et d’Al Jazira a remplacé tous les autres acteurs régionaux et souligne la mort en direct du monde arabe et de sa Ligue
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Désormais la France ne pèsera plus dans les jeux locaux, et le départ a l’air d’être définitif.
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La Chine s’est désengagée, à en juger par la phrase sibylline de Xi, lors de la rencontre de San Francisco et on comprend qu’un nouveau Yalta venait d’avoir lieu
TUNIS – UNIVERSNEWS La guerre au Moyen Orient restera énigmatique quant aux motivations du Hamas quand il a lancé l’opération du 7 octobre dernier. Celle-ci, loin de servir la cause des Palestiniens a remis les Etats-Unis au centre du Moyen-Orient de façon active et directe.
Au plan des résultats le tableau est sombre et on peut se poser beaucoup de questions quant aux commanditaires indirects de cette guerre. 15000 morts, des milliers de blessés, Gaza dévastée totalement, 1,3 millions de personnes déplacées, les maigres infrastructures totalement détruites et une possible longue occupation juste pour espérer libérer quelques prisonniers. A moins d’avoir une large idée de ce qu’est une victoire militaire, il s’agit en l’espèce d’une défaite cuisante du Hamas et des lendemains difficiles pour les Palestiniens.
Cette guerre révèle le rôle néfaste du Qatar financeur des frères musulmans, vassal et supplétif des Etats-Unis. L’Emirat, tel les rois des taifas de la finissante Andalousie, joue avec les maitres de la région, l’avenir des Palestiniens et même du monde arabe pris dans son ensemble. Il suffit de penser à l’implication de l’Emirat gazier dans la destruction par les frères musulmans de la Libye et de la Tunisie.
L’Emirat de Tamim et d’Al Jazira a remplacé tous les autres acteurs régionaux et souligne la mort en direct du monde arabe et de sa ligue créée rappelons-le, sous la férule du bureau des affaires arabes du Foreign Office. C’est la fin des bals ridicules des sommets d’où jamais rien n’est sorti. C’est certainement le seul point positif d’une guerre lancée pour le compte de l’Iran et qui va encore dévaster la question palestinienne.
L’autre conséquence est la disparition pure et simple de la France du jeu moyen-oriental. Une présence certes erratique, mais continue depuis la période mandataire. La France poursuit son reflux, certainement volontaire. Le départ de l’Afrique, la fin des relations particulières avec le Maghreb et l’effacement pur et simple du Moyen-Orient se sont certes étalés entre 2011 et 2023, ce qui surprend c’est la rapidité des derniers effacements. Désormais la France ne pèsera plus dans les jeux locaux. Le départ a l’air d’être définitif.
Beaucoup se sont réjouis de cela. Sauf à méconnaitre les jeux diplomatiques, l’effacement de la France et de l’Europe n’est pas un point positif pour le Monde Arabe et pour les Palestiniens, car il s’agit d’eux d’abord. Désormais, ce sont les Etats Unis et leur supplétifs locaux, les Qataris, qui tiennent les dossiers du Moyen-Orient. Ceci n’est pas inédit. Le Qatar avait été adoubé parrain des funestes printemps par l’administration Obama et sous la férule de Madame Clinton. Les résultats d’un tel attelage sont éloquents, nul besoin de les développer plus en avant.
Comme nous avons pu le souligner dans une autre tribune, la guerre en Ukraine a pris l’allure d’un jeu stratégique au niveau mondial. Les Etats-Unis ont décidé de transférer leur bras de fer avec Moscou en Afrique subsaharienne, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et dans le Caucase. Ils ont marginalisé et poussé à la sortie leur alliés, notamment la France pour avoir à chaque fois un « one to one » diplomatique avec les acteurs locaux, les poussant à choisir pour ou contre les Etats-Unis. En agissant le 7 octobre, le Hamas réaligne la perspective pour les Etats-Unis pour se repositionner au Moyen-Orient et vraisemblablement de rallumer la crise syrienne pour expulser l’Iran et la Russie de la zone. Cette guerre crée une situation inédite et très dangereuse y compris pour les Palestiniens eux-mêmes. Il n’y a plus d’acteurs diplomatiques modérateurs des actions américaines au Moyen-Orient. Là aussi, c’est une faute stratégique du Hamas, les Etats-Unis vont les éliminer du jeu en imposant la fin des financements qataris.
La Chine s’est désengagée, à en juger par la phrase sibylline de Xi, lors de la rencontre de San Francisco, on comprend qu’un nouveau Yalta venait d’avoir lieu, il avait affirmé « le monde est assez grand pour tous » accréditant la possibilité d’un partage Sino-américain.
En diplomatie, les actes et les dires sont intimement liés. Les « non-actes » et les « non-dires » aussi. La Chine a regardé ailleurs, comme d’habitude. La Russie aussi.
Quant à la solution des deux Etats, elle sera renvoyée à plus tard, même affirmée du bout des lèvres par un Biden finissant, la solution ne verra pas le jour avant une longue période.
Encore une défaite arabe. Elles sont nombreuses.
T.B.
Politologue