Tawfik BOURGOU
• Il y a quelque chose d’incongru, (…) et de cynique dans ce spectacle des frénétiques danses du ventre du monde occidental devant le nouveau calife de Damas
• A Damas on fait même la queue pour présenter ses amabilités au nouveau Maitre de la Syrie
• A la place des régimes autoritaires d’avant 2011, les Etats-Unis et le monde occidental ont adoubé l’islam politique, dans sa version djihadiste et barbare
• La danse du ventre devant le nouveau Calife de Damas marque la fin de l’illusion démocratique dans le monde arabe
TUNIS – UNIVERSNEWS – Nous voilà au dernier volet, au dernier stade à la fois dans le processus de décomposition de la Syrie et à travers elle, celui de la mort cérébrale et physique de tout ce que l’ordre arabe régional compte comme décorums ligue moribonde et ridicules sommets. On pourrait presque se réjouir de cette fin.
Après l’ordre immoral, après l’ordre barbare, nous voilà face à l’ordre hypocrite. Bien sûr, nous ne sommes ni naïfs, ni idéalistes, nous nous considérons même hyperréalistes, mais il y a quelque chose d’incongru, de pathétique, de ridicule, d’hypocrite et certainement de cynique dans ce spectacle des frénétiques danses du ventre du monde occidental devant le nouveau calife de Damas. Une honte historique, en ont-ils au moins conscience ?
Il faut juste songer que ce Joulani, dont la carrière depuis l’âge de dix-neuf-ans n’a été qu’à l’ombre d’Al Qaïda, de Daech, d’Al Nosra, est dans la liste des personnes recherchées par les Etats-Unis, tandis que la seconde armée de l’OTAN (l’armée turque) et le plus servile supplétif des Etats-Unis dans le monde arabe (le Qatar) l’armaient et le préparaient à prendre la Syrie et succéder à Bachar Al Assad. Il y a même quelque chose de pathétique dans l’attitude même de Monsieur Blinken et du monde occidental quand on songe que l’homme aujourd’hui courtisé par l’entremise du Qatar est un des héritiers de Ben Laden, celui qui a infligé aux Etats-Unis sa pire humiliation de tous les temps. Malgré cela le département d’Etat est allé courir lui présenter ses politesses. On apprendra bientôt que dans l’angle mort de la conquête de la Syrie par cet ordre barbare, il y avait l’ombre des Etats-Unis. Ce ne serait même pas étonnant.
Les Européens ne sont pas en retard eux aussi. A Damas on fait même la queue pour présenter ses amabilités au nouveau Maitre. Madame Van Der Leyen a proposé une aide financière, d’autres gouvernements explorent une possibilité de relations diplomatiques. Sur l’échelle de zéro à dix des reniements et des volte-face, les occidentaux sont déjà au dixième échelon. Une honte historique.
Quand on songe que Monsieur Blinken, il y a quelques mois menaçait la petite Tunisie et lui promettait l’enfer, on comprend aujourd’hui à la lumière de la cour assidue à Al Joulani l’étendue de la notion de démocratie que défendait-il et au profit de qui. Nous pouvons le dire sans nous tromper, depuis 2011 les Etats-Unis et en partie le monde occidental, n’avaient eu pour objectif que de promouvoir l’islamisme et de façon indirecte l’islamisme radical, tant qu’il n’attaquait pas l’Occident. Le reste n’était qu’un trompe-l’œil pour que le tableau ne soit pas trop sanglant. Rien de plus.
On pourrait presque les remercier de nous livrer enfin la dernière preuve, le dernier argument pour solder le compte des faux printemps et de l’ingénierie faussement démocratique dans le Monde Arabe. Car au mieux, il s’agissait d’une ingénierie géopolitique. A la place des régimes autoritaires d’avant 2011, les Etats-Unis et le monde occidental ont adoubé les islamistes et l’islam politique, dans sa version djihadiste et barbare pour recomposer l’espace, les frontières, les Etats et même les ethnies dans l’espace arabe et nord-africain.
Tous semblent avoir oublié le 11 septembre 2001 au nom duquel les Etats-Unis ont démoli l’Irak, envoyé son peuple au XVII siècle comme l’avait promis James Baker dans une phrase restée célèbre. Oublié le discours du Caire d’Obama auquel ont cru les naïfs. Oubliés les cortèges des morts du terrorisme de Paris à Nice, de Boston à New York, de Tunis à Damas, victimes des islamistes d’Al Qaïda, de Daech aujourd’hui au pouvoir à Damas.
Assad fut un dictateur, il a opprimé son peuple, comme le sont tous les amis des Etats-Unis dans le monde arabe, comme le sont ceux qui sont les parrains d’Al Joulani parmi les Etats qui font son marketing et sa « zelinskisation » vestimentaire. Il sera comme Assad, certainement pire. Ce n’est qu’une question de temps.
Certes, il est dit qu’on ne fait la paix qu’avec ses ennemis, mais à ce stade, c’est une capitulation devant Erdogan et devant l’Emir du Qatar, une défaite devant l’ordre barbare qui ne sera pas plus démocrate que le défunt régime des Assad père et fils.
La danse du ventre devant le nouveau Calife de Damas marque la fin de l’illusion démocratique dans le monde arabe. C’est une fin pathétique, qui couvre de ridicule ceux qui étaient les entrepreneurs des printemps. Treize ans après, les voilà en rangs serrés espérant que l’ancien compagnon de route d’Al Zarkaoui leur accorde audience et qu’il garde la clé des prisons où eux-mêmes avaient emprisonné ses anciens frères d’armes, les daechistes.