
Tunis, UNIVERSNEWS (MONDE) – Ce sont des témoignages sonores très durs qui ont été transmis à RFI par des habitants de la province de Lattaquié, qui demandent à rester anonymes. Les enregistrements décrivent des scènes de violence : un homme raconte que son fils a été égorgé et que les habitants ont ensuite été chassés de leurs habitations. Ce même témoin assure qu’il n’a aucun lien avec l’armée de l’ancien régime syrien. Une femme évoque des cadavres dans les rues et ajoute que les auteurs des massacres empêchent les survivants de récupérer ces dépouilles. RFI a aussi pu recueillir un autre témoignage, par écrit, alertant sur « un véritable génocide contre une communauté entière, incluant des enfants, des femmes et des personnes âgées. Beaucoup ont été tués par égorgement ou découpés avec des outils tranchants. »
Plusieurs de ces interlocuteurs assurent que les auteurs des violences ne parlaient pas avec l’accent syrien, ce qui attesterait de la présence de combattants étrangers dans les rangs des auteurs de ces exactions. «Je pense qu’ils viennent d’Ouzbékistan ou peut-être des Ouïghours. Et certains d’entre eux sont syriens, tandis que d’autres sont masqués et portent des uniformes de la sécurité publique», estime l’un des habitants de la région, contacté par RFI. Ces témoignages s’ajoutent à des vidéos et photos circulant sur les réseaux sociaux. En provenance des mêmes secteurs, elles montrent des scènes d’exécutions ainsi que des cadavres.
Ces exactions ont été commises par les troupes dépêchées par Damas pour combattre des partisans de l’ancien régime syrien. Ce samedi, l’Observatoire syrien des droits de l’homme a signalé un « retour au calme relatif » dans la région, tout en précisant que les forces de sécurité poursuivaient leur « ratissage dans les zones où se retranchent les hommes armés », avec l’envoi de renforts. Tôt samedi, l’agence officielle syrienne Sana a rapporté que les forces de sécurité avaient repoussé « une attaque menée par les résidus du régime déchu » visant l’hôpital national dans la ville de Lattaquié.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme a annoncé ce lundi 10 mars 2025 que 973 civils avaient été tués depuis le 6 mars par les mains des forces de sécurité syriennes et de groupes alliés dans l’ouest du pays. Les tensions avaient commencé jeudi dans un village à majorité alaouite de la campagne côtière du gouvernorat de Lattaquié, sur fond d’arrestation par les forces de sécurité d’un homme recherché. La situation avait rapidement dégénéré en affrontements après que des hommes armés alaouites ont ouvert le feu, selon l’Observatoire syrien, qui a depuis signalé des «exécutions» de civils alaouites.
Le président syrien par intérim, Ahmed al-Charaa, a appelé vendredi soir les insurgés alaouites à «déposer les armes avant qu’il ne soit trop tard». « Nous continuerons à œuvrer au monopole des armes entre les mains de l’État», a-t-il ajouté dans un discours.