Par Khélil LAJIMI
Ancien ministre
TUNIS – UNIVERSNEWS Mes activités professionnelles m’ont toujours amené à échanger avec des investisseurs étrangers et tunisiens. Une problématique revient systématiquement lors de ces échanges : l’immobilisme de l’administration publique au sens large du terme.
Cette lourdeur administrative coûte au pays plusieurs points de croissance et les emplois qui en découlent. La dynamique économique se trouve ainsi bridée.
Petit flash-back
Au lendemain du 14 janvier 2011, il y a eu une véritable purge au sein de la haute administration.
L’administration publique a été décapitée de ses meilleures compétences. La majeure partie des responsables débarqués ont été traduit en justice en utilisant l’article 96 du Code pénal, qui a été amendé en 1985 pour mettre en prison plusieurs proches de feu Mohamed Mzali, l’ancien premier ministre du Président Bourguiba. A cette époque le pouvoir de Bourguiba était chancelant et une vraie guerre de succession battait son plein.
Aujourd’hui, et plus de dix ans après la purge de l’après janvier 2011, rares sont les fonctionnaires qui ont été condamnés pour corruption. Seuls quelques cas qui se comptent sur les doigts d’une main sur les centaines de dossiers transmis à la justice.
Devant l’ampleur de cette injustice subie par leurs aînés, les responsables d’aujourd’hui ont retenu la leçon. Ils ne prennent aucune décision et n’engagent aucunement leur responsabilité au risque de se retrouver injustement traduit devant la justice pénale.
L’administration se trouve ainsi sclérosée et aucune initiative n’est prise. La Banque Mondiale et d’autres bailleurs de fonds n’ont-t-ils pas relevé que des centaines de millions de dinars affectées à des projets demeurent non consommées ? La faute à ce fameux article 96 du Code pénal.
Que dit cet article ?
Pour résumer : « Est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende équivalente à l’avantage reçu ou le préjudice subi par l’administration tout fonctionnaire qui use de sa qualité pour se procurer à luimême, procurer à un tiers, contrevient à un règlement ou cause un préjudice à toute structure dans laquelle l’Etat détient de manière directe ou indirecte une part quelconque ».
Un magistrat étranger a dit à ses collègues tunisiens du pôle financier je le cite « Avec l’article 96 du Code pénal vous pouvez mettre toute la Tunisie en prison ». Ça résume tout.
Alors pour libérer les initiatives et enlever cette chape de plomb qui recouvre l’administration il devient impératif d’amender l’article 96. Protégeons nos fonctionnaires et donnons-leur l’envie de travailler dans la sérénité. La Tunisie en sortira gagnante.