
Tawfik BOURGOU
- L’Iran en agissant par ses proxys, a voulu améliorer les conditions de la négociation avec les Etats-Unis et les Israéliens
- L’action israélienne à Gaza et en Cisjordanie visait à rendre impossible la solution à deux Etats, et l’objectif principal des pays du Golfe est de se débarrasser de la question palestinienne définitivement
- Pour atteindre le seuil de négociation, l’Iran a offert aux israélo-américains la tête du Hamas, le Hezbollah, le régime d’Assad et a renoncé à toute aide aux houthis
- Juin 2025 éclaire le rôle funeste de l’islam politique dans le monde arabe et dans le monde musulman pris dans sa totalité
- Les Iraniens, se considèrent d’abord Perses avant d’être Musulmans, ne voient les Arabes que comme de la chair à canon, sans plus, et des porteurs de valises
- Les alliances dans le monde arabe et dans le monde musulman sont toxiques et souvent destructrices
TUNIS-UNIVERSNEWS- (Tribune) – Soudain le silence d’un cessez-le-feu signé dans la nuit après le fracas des armes et les vociférations de part et d’autre. Les uns faisaient miroiter l’idée de remettre sur son trône le dernier des rejetons des Pahlavis, les autres promettaient aux naïfs de l’axe de la résistance une flamboyante victoire.
En place et lieu d’un combat se fut un vaudeville, une sorte de pièce de théâtre dont les protagonistes sont presque les mêmes depuis bientôt une trentaine d’années, depuis un certain mois d’aout 1990 : les Etats-Unis, Israël, l’Iran, la Russie, la Turquie et l’aréopage de tous les roitelets du Golfe. En dessous, les pays faillis ou en faillite dont le groupe a grossi au fil des années : l’Irak, la Syrie, le Liban, le Yémen. Comme dans chaque Vaudeville, il faut un dindon de la farce. Pour l’occasion, c’est une bassecour : toutes les opinions arabes gargarisées par des mois de propagande iranienne et de contre-propagande occidentale, de vociférations de part et d’autre. Au milieu un drame innommable se déroule dans un silence général et une guerre pas si lointaine qui use pays et finances.
La guerre des 12 jours se termine par un trumpien « Que dieu bénisse l’Iran et Israël »
Le 23 juin 2025 éclaire comme une lumière crue toutes les autres dates du Moyen-Orient et du monde arabe, met à nu mollahs et rois, chef d’Etats et chefs militaires.
D’abord c’est un éclairage quant au 7 octobre 2023 et de son impact dévastateur sur le Moyen-Orient et sur l’avenir même de la population palestinienne. Comme nous l’avons dit, dès le surlendemain de l’évènement, l’Iran est le commanditaire de cet épisode guerrier qui, s’il n’était pas lié à la volonté de l’Iran de peser avant le retour de Trump aux affaires aux Etats-Unis aurait été un suicide du Hamas. Ce fut un suicide d’ailleurs, au vu des résultats et de l’impasse totale dans laquelle se trouve la question palestinienne. L’Iran en agissant par ses proxys, a voulu améliorer les conditions de la négociation avec les Etats-Unis et les Israéliens. Mais ce qui n’a pas été dit entre octobre 2023 et juin 2025, c’est le processus de tractations qui s’étaient engagés avant octobre 2023, dans les derniers mois de l’administration Biden, via différents canaux, entre l’Iran et Israël, ces derniers jours via la Russie auxquels s’est ensuite adjoint Trump, la Turquie et quelques monarchies du Golfe dans le cadre d’un marché régional. Ces tractations éclairent d’un autre jour les combats tant à Gaza, qu’en Syrie, qu’au Liban et éclairent ce qui a pu se passer au cours des trois dernières semaines. Les phases de guerre n’étaient que des outils de tractations sans plus.
L’action israélienne à Gaza et en Cisjordanie visait à rendre impossible la solution à deux Etats, ce que les Israéliens ont réussi à imposer sans aucune réaction des Etats arabes du Golfe dont l’objectif principale est de se débarrasser de la question palestinienne définitivement.
L’Iran a été dans une posture intermédiaire. Il a proposé une négociation sur un « lot » en contrepartie d’une levée totale des sanctions et d’une réintégration dans la communauté internationale avec en prime un retour des entreprises américaines dans le marché iranien. La pierre d’achoppement a été le programme nucléaire. Les Iraniens sont au seuil de la miniaturisation et seraient donc au-delà de la phase de développement primordiale, de ce fait les bombardements américano-israéliens arrivent trop tard, l’essentiel étant acquis. Les attaques américaines et israéliennes ne devaient au mieux que retarder l’annonce de la possession de capacités nucléaires, sinon contraindre les mollahs à énoncer une future doctrine d’usage qui va exclure expressément une atteinte à Israël et exclure toute stratégie de frappe de première intention. Les Américains et les Israéliens se devaient de frapper pour faire passer la pilule à leurs opinions. Mais comme dans toute guerre, les dépassements de limites et de seuils de frappe, suscitent des réactions de l’Etat ciblé. L’Iran se devait de répliquer à hauteur de ce qu’il a perdu. Mais auparavant, pour atteindre ce seuil de négociation, l’Iran a offert aux israélo-américains la tête du Hamas, du Hezbollah, le régime d’Assad, il a renoncé à toute aide aux houthis isolés et a renoncé à tout rôle régional pérenne.
Juin 2025 éclaire d’un jour cru le monde arabe : un construit moribond
L’Irak n’est plus, la Syrie est en voie de partition en trois Etats fantoches, selon les vœux Marco Rubio, le Liban est dans sa lente agonie, tandis que les pays riches du Golfe affolés par Trump ont acheté leur protection aux américains par 4000 milliards de dollars.
A l’Egypte, il ne reste qu’une ligue arabe en mort cérébrale dont le financement dépend de l’Arabie saoudite. Cette dernière ne veut plus financer une structure aussi inutile que dispendieuse. Il ne reste au Maréchal Sissi qu’un Camp David comme ressource. L’Egypte serait un Etat failli sans l’aide américaine et la bienveillance israélienne.
Le Maghreb est dans la pire situation de son histoire. En proie à des guerres intestines internes en Libye attisées par d’autres arabes, des pays occidentaux, par les Etats-Unis et par les Russes quand il n’est pas l’objet d’une invasion démographique subsaharienne en capacité d’effacer en moins d’une génération des pays entiers.
Le Maroc et l’Algérie s’opposent sur le Sahara qui est historiquement propriété du Maroc. L’Algérie est dans une posture de faux leadership, ressemble à une Bélarus de pacotille de l’Afrique du Nord ou à un Iran englué dans une stratégie dont il n’a pas les moyens.
Le Maroc fait illusion de ses capacités qui dépendent de façon directe de l’Europe, des Etats-Unis et d’Israël, mais on sait que cette extraversion tout azimuts, ne peut être une base pour une stratégie à long terme. Les alliances entre le monde arabe et les pays occidentaux ne durent que le temps de ce qui est nécessaire pour le plus fort, c’est-à-dire l’Occident. En la matière les ridicules printemps américains dans le monde arabe ont montré que même un Moubarak ou un Ben Ali, voire un Ghannouchi, ne sont jamais considérés comme des alliés, juste une sorte de version 21e siècle du vassal, voire du métèque, auquel on ne peut étendre le bénéfice du droit encore moins de la dignité.
Juin 2025 éclaire le rôle funeste de l’islam politique dans le monde arabe et dans le monde musulman pris dans sa totalité. L’Iran n’a négocié que dans le périmètre du maintien du pouvoir de la théocratie. D’ailleurs la bombe iranienne, si elle devait advenir n’a pour fonction que de rendre irréversible le régime des mollahs. C’est du moins ce que croient les mollahs eux-mêmes, même si historiquement, la possession d’un arsenal nucléaire n’a pas pu empêcher la fin du totalitarisme soviétique.
Le mois de Juin sonne comme la fin de « l’axe de la résistance »,
Ce mois de juin éclaire aussi le rôle des frères musulmans et leur proximité avec l’Iran. Certains experts autoproclamés et novices, occidentaux, pensaient impossible une alliance Iran-frères musulmans. Une simple lecture de l’histoire, celle de l’avènement de la République islamique d’Iran, dans la charnière de 1979 et 1980 aurait suffi de les renseigner, notamment les références iraniennes, au père fondateur, égyptien des frères musulmans. Rappelons-nous Ghannouchi en Iran, chechia vissée sur la tête juste quelques semaines avant le début de la guerre du Golfe en février 1991. Ce fut le conclave qui scellait les liens entre l’Iran et la mouvance. Les iraniens y voyait une chance d’affaiblir le nationalisme arabe et les frères musulmans l’envie de se substituer à lui.
Nous connaissons la suite de l’histoire qui devait conduire ce duo infernal jusqu’aux antichambres des officines de renseignement britanniques et américaines, notamment à partir de 2003 avec la préparation des ridicules printemps « fréristes ». Rappelons que le premier voyage de Morsi en tant que chef d’Etat fut en Iran. La coopération d’un Hamas payé par le Qatar, sous supervision de la CIA et du Mossad, avec l’Iran n’est ni une incongruité encore moins un secret tant étaient apparentes les relations entre les frères jumeaux de la mouvance théocratique.
Juin 2025 sonne comme la fin de ce que certains ont appelé « l’axe de la résistance », qui à la lumière du jeu iranien était au moins tordu, sinon frappé d’un défaut de parallélisme. Les Iraniens, se considérant d’abord Perses avant d’être Musulmans, ne voient les Arabes que comme de la chair à canon, sans plus, des porteurs de valises ou des mules comme on le dit dans le jargon du renseignement. Cyniquement, lorsque l’Iran entreprenait des actions terroristes en Europe dans les années 1980, les poseurs de bombes étaient des arabes, souvent des Moyen-orientaux, parfois des gens d’Afrique du Nord. Là aussi rappelons les sinistres attentats de Lockerbie et d’UTA au-dessus du désert du Ténéré et le rôle indirect joué par l’Iran. Kadhafi en bon dindon de la farce a payé pour les Iraniens et les Syriens d’ailleurs.
Juin 2025 devrait inciter certains à ne considérer que le périmètre de leurs Etats et n’envisager ni alliance, ni se mettre à la remorque d’un voisin ou d’un lointain, les alliances dans le monde arabe et dans le monde musulman sont toxiques et souvent destructrices. Kadhafi n’est plus de ce monde pour le dire, Assad a dû le comprendre ces derniers jours. Il aura la suite de sa vie pour le méditer.
« Aucun Etat ne vole au secours d’un autre sans tenir compte de son intérêt propre » Magister Dixit, Karl Von Clausewitz.
T.B.
Politologue